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Canada : 10 animaux etonnants a voir au quebec

8 Novembre 2022

(Image : © Anigaïdo avec l'autorisation d'Eric PENET)

Le Canada est un pays du continent nord-américain notamment célèbre pour ses étendues sauvages encore préservées*, sa faune et ses trappeurs. A l’Est, la province francophone du Québec, seconde plus grande du pays avec 1,66 millions de km2, représente plus de 3 fois la superficie de la France Métropolitaine et s’étend bien au-delà du cercle arctique. Entre toundra, taïga, fjords, banquise et forêts tempérées constellées de lacs immenses, c’est une terre au climat océanique à continental (très !) rigoureux avec une faible densité de population humaine.

Dans cet article, nous vous proposons de découvrir une dizaine d'espèces animales iconiques ou surprenantes du Québec aux côtés d’Eric PENET qui nous fait le récit de ses belles rencontres photographiques au fil de ses pérégrinations dans les parcs naturels du Québec le long de l’immense fleuve Saint-Laurent.

 

* Longtemps perçue comme une région à la nature préservée la partie nord du continent américain avec le Canada et l'Alaska subissent maintenant une accélération du réchauffement climatique deux à trois fois plus rapide qu'ailleurs sur la planète.

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L’AMERIQUE DU NORD COMPTE DE NOMBREUSES ESPECES COMMUNES AVEC L’EURASIE

(Photo : Un superbe paysage de lac et forêt au Canada © Eric PENET)

Bison, glouton, castor, élan, loup, loutre, lynx ou ours : beaucoup d’espèces animales du nord de l’Eurasie (région appelée écozone paléarctique) semblent avoir leur déclinaison américaine (version espèce ou sous-espèce) dans ce que l’on appelle l’écozone néarctique. C’est que ces deux régions ont, outre des climats et des biotopes similaires, une lointaine histoire commune. Il y a quelque 200 millions d’années ces deux masses terrestres n’en formaient qu’une, la Laurasia, un territoire immense qui se divisa à son tour en Eurasie et Amérique du Nord il y a environ 65 millions d'années avec l'ouverture de l'Atlantique Nord. Au fil des différentes périodes de glaciation qui s’enchaînaient ensuite et en permettaient le passage à pied, des représentants de diverses familles de plantes et d’animaux franchissaient le détroit de Béring (entre les actuelles Sibérie et Alaska), assurant un brassage et des échanges qui apportèrent notamment le bison, l’ours brun ou le wapiti sur les terres américaines. Entre la connexion polaire au nord pour les espèces marines comme l’ours blanc et ces brassages intervenus jusqu’à il y a - 20.000 ans environ au grès des variations climatiques, pas étonnant que l’on retrouve donc certaines espèces communes ou proches entre les écozones paléarctique et néarctique.

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LE TOUR DES PARCS NATIONAUX DU QUEBEC

(Image : © Anigaïdo avec l'autorisation d'Eric PENET)

Durant l’été 2022, Eric PENET, passionné de nature et de photo qui nous avait déjà offert sa collaboration pour découvrir les écosystèmes et la faune sauvage du Nord-Pas-de-Calais, a parcouru une dizaine de parcs nationaux du Québec et en a ramené des très beaux clichés de faune sauvage. Nous vous proposons de découvrir à ses côtés les portraits commentés d'une dizaine d'espèces animales étonnantes du Canada.

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LE PYGARGUE A TETE BLANCHE L'AIGLE CHAUVE EMBLEME DES ETATS-UNIS

(Photo : Pygargue à tête blanche © Eric PENET)

Symbole incontournable des Etats-Unis depuis 1782 (dont il se dit que le Président Abraham Lincoln aurait un temps douté au regard du caractère volontiers chapardeur et charognard dudit rapace), le pygargue à tête blanche (le 'bald eagle' en anglais soit l'aigle chauve à cause de sa tête blanche) est un oiseau endémique de l’Amérique du Nord où il recherche la proximité des lacs, rivières ou estuaires. Une grande partie de son alimentation se compose de poissons qu’il attrape avec ses serres acérées en rasant la surface de l’eau. Avec ses 2,50 m d’envergure, son énorme bec jaune et crochu et son plumage blanc et brun foncé, il est un habitant iconique et spectaculaire du grand Nord.

Eric PENET (au sujet de cette photo de pygargue) : "Soirée d'affût au Lac Paul, dans le Parc national de la Gaspésie. Si les orignaux ne daigneront pas s'y montrer, la vie sauvage est toujours bien présente dans ces grands lacs, entre les allers et venues des plongeons huards et l'arrivée d'un pygargue à tête blanche, emblème national des Etats-Unis et possiblement le plus connu des oiseaux d'Amérique du Nord. Même à bonne distance, ce superbe rapace en impose !’.

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LE JASEUR DES CEDRES UN DES PLUS BEAUX OISEAUX DU CANADA

(Photo : Jaseur des cèdres juvénile (à g.) et adulte (à dr.) © Eric PENET)

Habitants des forêts de conifères qui succèdent à la taïga, les jaseurs sont des passereaux qui se nourrissent de baies et de graines. On les reconnaît à leur bande noire aux yeux, leur crête et leur queue carrée. S’ils sont plutôt sédentaires de leurs forêts nordiques, il arrive toutefois qu’ils soient amenés à se déplacer vers le sud (et parfois de plusieurs milliers de km !) quand vient l’automne si la nourriture manque et que la concurrence pour les ressoures alimentaires est trop importante. Ce phénomène, appelé irruption, n’est pas propre aux jaseurs et concerne de nombreuses espèces boréales d’oiseaux granivores comme les becs-croisés ou les casse-noix. Le genre des Bombycillidae compte trois espèces dont le jaseur des cèdres Bombycilla cedrorum aussi appelé jaseur d’Amérique (en photo), le jaseur du Japon Bombycilla japonica et le jaseur boréal Bombycilla garrulus, qui est lui présent en Amérique et en Eurasie et qu’on peut parfois apercevoir en France dans les forêts de conifères à la faveur des irruptions.

Eric : "Au Parc National Forillon, sans conteste l'un des plus beaux oiseaux du Canada, le Jaseur des cèdres, pendant américain du jaseur boréal, nicheur en Europe du Nord et rare visiteur d'hiver sous nos latitudes. A gauche, un juvénile de Jaseur des cèdres attendant le retour de ses parents au Parc national du Fjord du Saguenay.".

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LA COULEUVRE RAYEE UN JOLI SERPENT A JARRETIERE

(Photo : Couleuvre rayée © Eric PENET)

Plus connue sous son autre nom de serpent-jarretière en raison des longues bandes noires qui lui courent tout le long du corps, la couleuvre rayée Thamnophis sirtalis est un serpent courant en Amérique du Nord qui se décline en plus d’une dizaine de sous-espèces présentant des colorations très variées.

Là où le climat est trop rigoureux en hiver pour leur sang froid de reptile, ces serpents qui vivent près de l’eau vont hiberner. A peine sorties de leur léthargie hivernale, les femelles doivent faire face à des hordes de mâles beaucoup plus nombreux qui les assaillent littéralement dans une frénésie reproductive.

C’est aussi durant l’hiver que les femelles pondent dans un terrier et donnent le jour à leur descendance.  La vue d’un bouquet de têtes multiples de jeunes couleuvres rayées émergeant simultanément du nid commun pour la première fois est à ce titre un spectacle assez saisissant voire glaçant pour l’ophiophobe !

Eric : "(1) Une couleuvre rayée traversant tranquillement un sentier du Parc national du Fjord du Saguenay. C'est une espèce inoffensive très répandue en Amérique du Nord. ; (2) Un autre individu, cette fois-ci dans le Parc national des Iles-de-Boucherville, sur la rive sud de Montréal ; (3) Comme chez bon nombre d'autres espèces de serpents, la couleuvre rayée présente un important polymorphisme.".

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LE CERF DE VIRGINIE LE CHEVREUIL DU QUEBEC

(Photo : Cerf de Virginie © Eric PENET)

Cervidé très commun d’Amérique, le cerf de Virginie Odocoileus virginianus ou cerf à queue blanche est un habitant d’une grande variété de forêts que l’on trouve des forêts tempérées du sud du Canada aux forêts tropicales du nord de l’Amérique du sud (on l’appelle la ‘biche des palétuviers’ en Guyane) en passant par les forêts d’altitude d’Amérique du Nord où il pratique la migration verticale. Il est le plus petit cervidé du Québec avec 1,10 m de hauteur au garrot, taille qui tombe à une soixantaine de haut pour les sous-espèces sud-américaines) où on l’appelle aussi chevreuil. Chez ce cervidé aux allures de gazelle (allure gracile, cercles blancs autour des yeux, ventre et gorge blancs), les bois du mâle tendent à pousser vers l’arrière et rappellent la forme d’une lyre qui lui fait comme une jolie couronne.

Eric : "C'est le plus petit des trois cervidés présents au Québec, mais le plus commun des "grands" (une soixantaine de kilos pour un mâle adulte) mammifères du continent américain. Très largement répandu, ses populations atteignent parfois des densités impressionnantes. C'est le cas au Parc national des Iles-de-Boucherville, en périphérie de Montréal, où les cerfs sont particulièrement nombreux et relativement faciles à observer. A l'instar de nos chevreuils européens, certains individus se montrent un brin curieux et s'approchent volontiers des sentiers de promenade.".

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LE FOU DE BASSAN SPECTACULAIRE OISEAU DE L'ATLANTIQUE NORD

(Photo : Fou de Bassan © Eric PENET)

Le fou de Bassan est un grand oiseau marin (le plus grand de l’Atlantique Nord !) qui forme d’immenses colonies nuptiales de plusieurs dizaines de milliers d’individus sur les côtes ou des îlots isolés. Espèce malheureusement pas épargnée par la grippe aviaire qui fait actuellement des ravages dans les rangs des populations d’oiseaux marins, le fou de Bassan est un as de la pêche spectaculaire, fondant en chute libre comme une flèche et tête la première depuis des hauteurs atteignant 50 m pour descendre chercher des poissons jusqu’à 10 m de profondeur !

Eric : "La dernière étape de notre périple québécois nous aura menés à l’extrémité orientale de la péninsule gaspésienne, avec la découverte du Parc national de l’Île-Bonaventure et du Rocher Percé. Outre des paysages fabuleux marquant l’entrée dans l’Atlantique Nord, l’Île Bonaventure est mondialement connue pour abriter l’une des plus importantes colonies de Fous de Bassan au monde. Chaque année, plus de 50 000 couples viennent s’y reproduire (seule l’Île de Bass Rock en Ecosse fait mieux) et offrent un spectacle tout bonnement exceptionnel. Dès la fin-avril, les fous regagnent l'île pour entamer leur saison de nidification. Celle-ci durera jusqu'en octobre, et le départ des derniers jeunes de l'année. Les deux partenaires d'un même couple se reconnaissent et se retrouvent en fonction du positionnement de leur nid au sein de la colonie. En permanence, des parades nuptiales et toilettes mutuelles viennent resserrer les liens entre les oiseaux.".

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LES COLONIES DE FOU DE BASSAN OBEISSENT A UNE HIERARCHIE STRICTE

(Photo : Une colonie de fous de Bassan à flanc de falaise © Eric PENET)

Eric : "La position des couples sur la falaise témoigne de leur statut dans la hiérarchie. Les oiseaux dominants installent généralement leur nid le plus haut possible tandis que les couples de rang inférieur doivent se contenter de vires rocheuses étroites. La proximité avec les oiseaux est impressionnante, on est directement saisi par la masse de volatiles s’affairant autour de leurs poussins, dans un vacarme mais aussi une odeur qui ne laisse pas indifférent… Ce petit paradis n’a malheureusement pas échappé à l’influenza aviaire qui sévit dans les colonies d’oiseaux marins de par le monde. Mais contrairement à la situation des Sept-Iles en Bretagne ou à celle des colonies écossaises, les pertes s’avèrent relativement contenues. Croisons les doigts pour que ce fabuleux spectacle perdure encore.".

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LES FOUS SONT DES PLONGEURS ACROBATIQUES

(Photo : Plongeon spectaculaire d'un fou de Bassan © Eric PENET)

Eric : "La fameuse technique de pêche en piqué des fous de Bassan. Ailes arquées, le profil parfaitement aérodynamique, les oiseaux percutent la surface de l'eau à près de 90 km/h et sont capables de plonger à plusieurs mètres de profondeur pour récupérer leurs prises. Une scène particulièrement impressionnante à observer (et difficile à vivre pour les porteurs d'écailles de sous la surface on l'imagine !). Les fous parcourent chaque jour des distances considérables pour nourrir leurs jeunes, s'éloignant parfois de plusieurs centaines de kilomètres de la colonie.".

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LE CARIBOU MONTAGNARD UN ANIMAL MYTHIQUE

(Photo : Caribou montagnard © Eric PENET)

Le renne Rangifer tarandus ou plus exactement le caribou chez nos amis d’outre Atlantique, est un cervidé particulièrement bien adapté au froid qui, pour ses populations domestiques, fait le bonheur de nombreuses peuplades septentrionales qui en exploitent tout de la chair aux os en passant par la fourrure ou le lait. Il se décline en plusieurs sous-espèces dont cinq rien qu’au Canada selon certaines classifications et parmi celles-ci on trouve le caribou des bois Rangifer tarandus caribou qui compte lui-même trois variantes dont une devenue aujourd’hui rarissime : le caribou montagnard ! Eric nous parle de sa rencontre avec cet animal mythique dont la raréfaction ne laisse pas d’inquiéter.

Eric : "Vu la rareté de la bestiole, en apercevoir un aux jumelles aurait suffi à mon bonheur, mais la chance était avec nous ce jour-là puisque ce jeune mâle repéré à plus de 200 mètres sur l'autre versant terminera plein cadre, traversant même le sentier. Les paysages de toundra arctique aux sommets des Monts Albert et Jacques-Cartier dans le Parc national de la Gaspésie sont très spectaculaires.".

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LE RENNE DE MONTAGNE EST UNE ESPECE EN SURSIS

(Photo : Caribou montagnard © Eric PENET)

Eric : "Au sommet du Mont Albert, rencontre inespérée avec l'un des tout derniers caribous montagnards de la Gaspésie. Si l'espèce est largement répandue au Canada, la population qui subsiste aujourd'hui dans le Parc national de la Gaspésie se distingue de toutes les autres sur le plan génétique. Son isolement géographique (la seule population encore existante au sud du Saint-Laurent) et son écologie singulière (écotype "montagnard") lui confèrent un statut particulier. Ce joyau de la biodiversité québécoise vit malheureusement ses derniers instants. Déclinante depuis le début du vingtième siècle, la population gaspésienne est aujourd'hui au bord de l'extinction. Une trentaine d'individus tout au plus peuplent encore les sommets du Parc national, créé en 1981 pour justement sauvegarder cette espèce hautement patrimoniale. En cause, l'exploitation sylvicole des forêts matures, riches en lichens arboricoles (essentiels aux cariboux durant la période hivernale), qui composent le domaine vital de ces grands cervidés. A grand coup de millions de dollars, des plans de restaurations sont mis sur pied par le gouvernement québécois tant la survie du Caribou revêt aujourd'hui un enjeu politique. Piégeage des prédateurs (ours noirs, coyotes), limitation du dérangement (strict encadrement de la randonnée sur certains secteurs), mise en enclos des femelles gestantes pour assurer la survie des faons... Tout y passe, mais les mesures visant à limiter l'exploitation forestière autour du Parc national de la Gaspésie s'avèrent relativement minimes et insuffisantes. Pas facile de se mettre à dos une industrie qui pèse aussi lourd dans l'économie québécoise…".

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LE CASTOR UN BATISSEUR INFATIGABLE

(Photo : Sur les traces du castor © Eric PENET)

Le castor est le second plus gros rongeur du monde (après le capybara d’Amérique du Sud) avec sa bonne trentaine de kgs et son 1,10 m de long – dont sa queue de 30 cm qu’il claque sur l’eau pour alerter ses congénères. Il incarne à merveille ce que l’on appelle les espèces-ingénieurs, ces plantes et animaux (comme le corail, la termite, le ver de terre ou bien évidemment l'être humain) dont l’action impacte significativement leur environnement à l’image des incroyables barrages conçus par notre ami musqué, constructions qui façonnent les paysages nord-américains en créant des lacs et retenues d’eau favorables au développement de certaines espèces de plantes et d’animaux. Son nom lui vient d’ailleurs de castrum en latin qui signifie la place forte et convient à merveille aux ouvrages spectaculaires qu’il construit à base de boue, végétaux, branches et troncs qu’il assemble avec savoir-faire pour bâtir la hutte familiale, un havre imprenable qui le protège des prédateurs et dont l’accès se fait par un tunnel aquatique.

Si sa belle et chaude fourrure (pour en faire des chapeaux notamment) ou sa viande (attention la queue de castor se consomme mais c’est également le nom d’un célèbre beignet de même forme) en ont fait une espèce prisée des trappeurs, c’est surtout le castoreum, substance huileuse qu’il sécrète pour lisser son pelage et marquer son territoire qui a longtemps motivé sa chasse. Véritable or liquide, le castoreum est une substance fascinante et complexe aux multiples propriétés qui était notamment (et est encore parfois) utilisée comme anti-douleur, anti-poison, complément ou additif alimentaire, base en parfumerie et même comme stimulant sexuel. 

On distingue deux espèces chez le castor, le castor du Canada Castor canadensis (où il est un symbole national) qu’on trouve aussi aux Etats-Unis et jusqu’au nord du Mexique ; et le castor européen Castor fiber. Le castor d’Europe serait davantage solitaire que l’espèce canadienne qui vit souvent en petites cellules familiales et construirait également des ouvrages plus importants. Il existe aussi un castor de montagne Aplodontia rufa mais qui appartient à une famille distincte et n’a que peu à voir avec nos bâtisseurs.

Eric : "Omniprésent au Québec (2,3 colonies/10 km²), on peut le qualifier d'icône nationale puisqu'il apparaît au verso de la Reine Elisabeth sur la pièce de 5 cents de dollar canadien. Son nom commence par "C", en 6 lettres et non, il ne se termine pas plus loin par "Dion". Il n'affectionne pas particulièrement le César Palace de Las Vegas ni les duos avec Garou, mais plutôt les étendues d'eau calmes et relativement profondes...".

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LE CASTOR A FACONNE LES PAYSAGES CANADIENS

(Photo : Castor du Canada © Eric PENET)

Eric : "Un moment inoubliable ce matin-là au Parc national de la Mauricie. Plus d'une heure d'observation d'une famille de castors canadiens, passant calmement à quelques mètres du bord de l'étang, indifférents à notre présence. Séquence de nourrissage, jeux entre les jeunes, toilettage... La totale ou presque, hélas entre chien et loup. Mais qu'importe, le plaisir est ailleurs. Le soleil finit par percer et la dernière sortie d'un jeune individu me permet de saisir son portrait juste avant qu'il ne disparaisse dans la hutte familiale. Cette espèce remarquable a véritablement "façonné" nombre des splendides paysages qui caractérisent aujourd'hui le Canada, ses barrages favorisent le développement d'une faune et d'une flore particulièrement riche et contribuent au maintien du régime hydrique et à la qualité des cours d'eau. Sous ses airs patauds et rondouillards, Père Castor est bien l'un des mammifères les plus emblématiques du continent américain.".

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L'ORIGNAL UN GEANT DISCRET MALGRE SA TAILLE

(Photo : Elan © Eric PENET)

Autre animal iconique de la faune canadienne (il est également présent côté Américain, en Alaska essentiellement) où il figure sur de nombreux objets et souvenirs (panneaux, mugs, vêtements, drapeaux, etc), l’élan Alces alces, aussi appelé orignal ou ‘moose’ en anglais, est le plus grand des cervidés, pouvant atteindre jusqu’à… 2,30 m de haut au garrot ! Cet habitant des forêts très à l’aise dans les tourbières et zones humides est volontiers solitaire. Il ne retrouve ses congénères qu’à l’automne quand vient la saison des combats entre mâles pour conquérir les femelles. Au cœur de l’hiver, il se regroupe également en petits groupes pour dégager la neige et accéder à l’herbe.

Il y a débat pour considérer les élans d’Europe (où les populations sauvages vivent dans la taïga et les forêts mixtes ou tempérées en Scandinavie, dans les pays à l’est de la Baltique et en Russie) et ceux d’Amérique comme deux espèces distinctes ou une seule et même espèce qui se déclinerait ensuite en plusieurs sous-espèces (dont 6 uniquement pour le continent américain). Avec sa spectaculaire ramure (la plus grande de tous les mammifères) dont seuls les mâles sont équipés et qui peut peser jusqu’à 35 kg, il est un géant (jusqu’à 800 kg !) qui se nourrit d’herbes et plantes aquatiques. Malgré sa taille, il est plutôt timide, discret et parfois difficile à apercevoir comme l’évoque Eric !

Eric : "Malgré sa taille, observer l'Orignal au Québec n'est pas forcément chose aisée (même si la Gaspésie abrite les plus fortes densités de la province), tant le géant sait se faire discret. Il aura fallu verser quelques litres de sang en acompte aux moustiques locaux et de nombreuses heures de patience pour parvenir à observer ce véritable emblème du Canada. Ce mâle rencontré au Parc national Forillon fut le plus gros "buck" croisé durant notre séjour. A l'instar de nos cerfs, les mâles pourvus des plus impressionnants panaches sont particulièrement discrets durant la période des velours. Un paradoxe quand on toise le mètre 90 et les 600 kilos.".

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LE DOUX REGARD DE L'ELAN

(Photo : Le doux regard d'une géante dans le Parc national de la Gaspésie, sentier du Mont Ernest Laforce © Eric PENET)

Eric : "Ce qui frappe en premier lieu chez l'Orignal est bien sûr sa taille. L'apparence d'un grand cheval monté sur des échasses, avec des pattes qui paraissent presque fragiles pour supporter un corps aussi massif. La discrétion avec laquelle un ongulé si imposant se déplace dans la végétation est vraiment remarquable. L'orignal souffre de la chaleur dès lors que la température extérieure dépasse les 15 degrés... Raison pour laquelle il décale son activité en période estivale sur la fin de journée et la nuit. Sa peau relativement fine le laisse également vulnérable aux attaques incessantes d'insectes piqueurs.".

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RENCONTRE AVEC L'ORIGNAL

(Photo : Orignal à la Réserve faunique de Matane © Eric PENET)

Eric : "Une dernière rencontre avant de clore ce "chapitre" consacré à l'Orignal. Séquence crépusculaire avec un jeune mâle franchement curieux venu nous saluer au ras de la portière avant de traverser tranquillement la piste et de disparaître dans la pessière. La scène se passe à la Réserve faunique de Matane, "La Mecque" de l'Orignal au Québec (près de 4.000 individus). Seulement, et contrairement aux parcs nationaux, le grand cervidé y est chassé et de fait, particulièrement méfiant… Gageons que celui-ci se montrera plus prudent à l'avenir.".

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L'EMBOUCHURE DU SAINT-LAURENT UN CARREFOUR PROPICE A L'OBSERVATION DES CETACES

(Photo : Baleine de Minke aussi appelée petit rorqual de l'Atlantique © Eric PENET)

A l'est du Canada, le Golfe du Saint-Laurent draine les eaux des 1,5 millions de m2 du bassin versant du fleuve éponyme. Voie d'accès aux Grands Lacs (Ontario, Michigan, Supérieur, Erié et Huron) qui les relie à l'Océan Atlantique, le fleuve du Saint-Laurent s'étire sur près de 1.200 km, a le plus grand estuaire au monde et présente une importance stratégique par sa localisation comme porte d'entrée fluviale pour le continent nord-américain. Très fréquenté par les navires de marchandises, traversant des zones densément peuplées, c'est un fleuve immense dont les eaux du Golfe, protégées par l'île de Terre-Neuve et la péninsule de Nouvelle Ecosse, attirent un grand nombre d'animaux marins dont plusieurs espèces de cétacés tels que le petit rorqual, la baleine à bosse ou encore le béluga. Eric nous relate ces rencontres fortes en émotions !

Eric : "L'estuaire du Saint-Laurent est un véritable joyau, reconnu comme l'un des meilleurs sites au monde pour l'observation des mammifères marins. Chaque été, ses eaux froides et particulièrement riches attirent en effet des milliers de cétacés venus profiter de l'abondance de krill. Le Saint-Laurent n'est pas un fleuve comme les autres, son tracé gigantesque et sa très grande profondeur favorisent l'expression d'une biodiversité marine tout bonnement exceptionnelle, qui a justifié en 1998 la création du Parc naturel marin du Saguenay-Saint-Laurent par un décret du gouvernement fédéral canadien et de la province du Québec. Le Petit Rorqual est le plus commun des grands cétacés fréquentant l'estuaire. Certes, il ne boxe pas dans la même catégorie que la Baleine bleue ou le Rorqual commun, mais ses 8 mètres de long ne laissent pas indifférents, d'autant plus quand l'un d'eux se présente au bord du rivage et reprend sa respiration à quelques mètres des observateurs médusés. Le début d'une soirée inoubliable depuis le centre d'observation de Cap-Bon-Désir sur la côte Nord...".

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LA BALEINE A BOSSE CHANTE AUSSI DANS LE GOLFE DU SAINT-LAURENT !

(Photo : Baleine à bosse © Eric PENET)

Anigaïdo vous avait déjà proposé un portrait de ce cétacé mélomane à l'occasion de notre dossier sur les animaux de l'Antarctique. Et bien on trouve aussi cette grande voyageuse tout au nord de l'Atlantique dans le Golfe du Saint-Laurent ! Laissons Eric nous parler de sa rencontre avec la baleine à bosse.

Eric : "L'observation des cétacés a ceci de frustrant que chaque apparition se veut le plus souvent furtive. Le temps d'un souffle, la sortie d'un aileron et déjà le retour vers les profondeurs... Si la matinée d'excursion en zodiac sur le fleuve ne nous avait guère réussi, la soirée passée depuis le Cap-Bon-Désir dépassera nos espérances. L'observation de plusieurs petits rorquals à quelques mètres du rivage nous avait déjà comblés. Quelques marsouins et phoques gris, indifférents à notre présence profitent eux aussi de la manne nourricière estivale. Soudain, un souffle beaucoup plus puissant se fait entendre. L'animal est à une cinquantaine de mètres et semble "stationner" en surface. Ce comportement et l'aileron tronqué qu'il arbore sur son dos ne laissent pas de doute quant à son identification, il s'agit d'une Baleine à bosse. C'est l'une des espèces phares du Saint-Laurent, elle est même de plus en plus fréquente chaque été dans les eaux du golfe et de l'estuaire. Difficile pour tout le monde de garder son calme derrière les jumelles ou le télé. Comment ne pas se sentir petit face à un pareil géant des mers ? Comme dans les films National Géographic que je regardais étant enfant, le mastodonte nous gratifie d'une plongée, toute en délicatesse. La voilà déjà repartie, et l'instant n'aura duré que quelques secondes. Suffisant pour avoir le souffle coupé et des souvenirs pleins la tête. La force de ces créatures mythiques, c'est de ne rien nous dévoiler ou presque de leur gigantisme et de parvenir, par tout l'imaginaire que nous avons développé à leur sujet, à nous rendre transis d'émotion, rien qu'en une séquence d'observation de quelques secondes. La marque des grands ?".

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LE BELUGA LA BALEINE BLANCHE EMBLEMATIQUE DU SAINT-LAURENT

(Photo : Béluga © Eric PENET)

Le béluga (ou bélougaDelphinapterus leucas est un cétacé à dents de taille moyenne aussi appelé baleine blanche qui vit dans les eaux tempérées à circumpolaires de l’Hémisphère Nord. Mammifère marin à l’intelligence remarquable, il vit en petits groupes et communique avec ses congénères avec toute une variété de sons et cliquetis qui lui a valu le surnom de ‘canari des mers’. En France et succédant à l’incursion funeste d’une orque dans l’estuaire de la Seine au printemps 2022, celle d’un béluga au début du mois d’Août de la même année a marqué l’actualité. Vraisemblablement malade et affaiblie, une baleine blanche solitaire a remonté la Seine jusqu’à l’écluse de Saint-Pierre-la-Garenne dans l’Eure où la tentative de sauvetage de l’animal s’est malheureusement soldée par la mort de l’animal. Cette incursion n'a pas manqué pas d’interroger même si la présence de bélugas dans les estuaires n’est pas si rare puisqu’outre Atlantique le cétacé est une des stars du Saint-Laurent comme nous le raconte Eric.

Eric : "La plus belle rencontre de ce séjour canadien restera probablement celle-ci au cœur du splendide Fjord du Saguenay dans la Baie Sainte-Marguerite. Nous sommes au milieu de l'après-midi, mais l'apparition des dos blancs tant espérés nous confirme que les stars sont bien au rendez-vous.  Le Béluga est sans conteste le plus emblématique des cétacés du Saint-Laurent. Sa singularité vis-à-vis des autres mammifères marins fréquentant l'estuaire (dont il est quant à lui un résident à l'année) en fait une véritable icône locale à Tadoussac, "capitale" de l'observation des cétacés au Québec. C'est dans le Fjord que les possibilités de l'observer sont les plus élevées durant l'été, particulièrement les femelles accompagnées de leurs petits (qui pour l'occasion n'arborent pas la caractéristique livrée blanche de l'espèce mais un gris plutôt terne). Si l'un d'eux a récemment (et tristement) défrayé la chronique chez nous, égaré dans la Seine, la situation des bélugas du Saint-Laurent reste également précaire. Soumise à d'importantes pollutions par le passé (DDT), cette population unique au monde (quelques centaines d'individus) est malheureusement toujours considérée comme en danger. Difficile d'imaginer un jour l'estuaire du fleuve-océan privé de son plus illustre représentant.".

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LE COLIBRI A GORGE RUBIS UN GRAND VOYAGEUR TAILLE MINI

(Photo : Colibri à gorge rubis (femelle) © Eric PENET)

Si on pense volontiers davantage à l’Amérique du Sud quand on en vient à évoquer les oiseaux-mouches, il existe pourtant une espèce de colibri, Archilochus colubris, le colibri à gorge rubis (attribut du mâle en période nuptiale) qui passe l’hiver au Mexique et en Amérique Centrale et remonte jusqu’à l’est des Etats-Unis et le sud du Canada à la faveur des beaux jours, les mâles ouvrant le chemin avant que ne leur succèdent les femelles qui construiront les nids.

Après la performance que représente cet exode saisonnier (on parle d’un oiseau qui mesure moins de 10 cm, ne pèse que quelques grammes, et entreprend un voyage de plus de 4.000 km !), ils nidifient dans les forêts mixtes et les jardins. Ils se nourrissent d’une grande variété de nectars produits par une trentaine de fleurs ainsi que d’insectes pendant leur période d’hivernage si les fleurs se font rares.

Solitaires hors période nuptiale, ces micro-oiseaux au plumage vert sur le dos ont un dimorphisme sexuel assez marqué. Les mâles sont polygames : après leur parade amoureuse à base d’acrobaties aériennes, ils s’accouplent à une femelle puis la quittent après la ponte (généralement 1 à 2 œufs) pour aller séduire une autre femelle. Eric nous parle de cette rencontre étonnante.

Eric : "Généralement, le Québec n'est pas la première destination qui nous vient en tête lorsqu'on évoque les colibris... Et pourtant, une espèce y est présente, le Colibri à gorge rubis. Comme souvent, seul le mâle nuptial présente cet apanage de couleur, la femelle (à l'image de celle-ci) en étant dépourvu.".

Crédit article : © Julien PIERRE & Eric PENET

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