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Glouton, la terreur du grand nord

27 Juin 2019

(photo : Glouton © Thomas PIERRE )

TEMPS DE LECTURE : 5-7 minutes env.

Tout au Nord de notre planète vit un animal mythique particulièrement craint par les habitants de ces terres hostiles au climat extrême qui lui ont donné différents noms : il est le ‘fauve des montagnes’ en Scandinavie, carcajou ‘l’esprit maléfique’ pour la tribu amérindienne des Micmacs de la côte Nord-Est américaine, le ‘wolverine’ en anglais (qui a inspiré le personnage éponyme des comics et des films Marvel), ‘rosomakha’ en Russie ou encore Gulo gulo en latin, déformation de Gluto qui qualifie celui qui mange avidement. Mais quel est donc cet animal qui réussit cet exploit d’être unanimement perçu comme une terreur par tous les peuples qui le connaissent ?

C'est ce que nous vous proposons de découvrir dans ce dossier consacré au glouton, la terreur du grand Nord. Après vous avoir parlé de son habitat naturel et son apparence physique, nous verrons que le glouton est un prédateur féroce qui n'hésite pas à s'en prendre à bien plus gros que lui avant d'évoquer son comportement territorial et solitaire puis de terminer par son statut de sauvegarde à l'état sauvage.

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GLOUTON, QUI ES-TU ?

(Photo : Glouton - Wildfaces - Pixabay CC0)

Habitant des grandes plaines de la toundra arctique, des immenses forêts de conifères de la taïga et des montagnes qui bordent le cercle polaire, on le retrouve ainsi aussi bien dans le Nord canadien, l’Alaska et le Groenland que dans la Taïga russe de Sibérie ou encore à l’extrême Nord de l’Europe en Norvège et en Suède.

Nommé glouton en Europe, notre féroce ami est un des plus grands représentants des mustélidés (avec la loutre géante d’Amazonie), cette famille de mammifères carnivores au corps allongé et aux pattes courtes comptant dans ses rangs les loutres, la belette ou encore le blaireau. On distingue deux sous-espèces : le glouton d’Europe que l’on trouve au Nord de l’Eurasie, et le glouton d’Amérique du Nord, plutôt désigné sous le nom de carcajou et aux couleurs a priori plus pâles que son confrère européen.

Le glouton est un animal râblé et trapu qui peut vivre de 10 à 15 ans à l’état sauvage et mesurer jusqu’à 1,10 m de long, dont une queue touffue d’une vingtaine de cm. Il pèse de 6 à 20 kg (parfois davantage) et mesure jusqu’à 45 cm de hauteur au garrot, le mâle étant plus imposant que la femelle. Avec ses petites oreilles rondes arrondies bordées de beige, son pelage brun et noir plus long en hiver, ses courtes pattes robustes et sa mâchoire puissante capable de broyer les os et déchirer la viande gelée, il ressemble à un petit ours et comme lui il grogne et rugit. On peut le distinguer aux bandes plus claires de sa fourrure sur ses flancs et sa croupe, avec parfois une tâche blanche sur la poitrine, tandis que ses membres et son masque facial sont souvent plus sombres et tirent sur le brun chocolat ou le noir.

Plusieurs de ses caractéristiques font du glouton une espèce bien adaptée au grand froid. Sa fourrure tout d’abord, épaisse et isolante qui est constituée, comme chez nombre de mustélidés, de deux sortes de poils. Il y a le poil de bourre, court et très dense, qui maintient la chaleur près du corps et les poils externes plus longs et hydrofuges qui le préservent de l’eau et de l’humidité. Ses grosses pattes aux pieds larges ensuite, lui permettent de courir avec aisance sur la neige à la manière de raquettes et se terminent par des griffes solides, longues et recourbées qu’il peut rentrer partiellement et lui permettent de grimper aux arbres avec aisance. Enfin ses 38 dents et sa mâchoire aux muscles masticateurs puissants lui permettent de broyer et déchirer la viande gelée des charognes qu’il affectionne particulièrement.

ETRE LE PLUS TEIGNEUX POUR S’EN SORTIR

(Vidéo : National Geographic Wild France - Youtube)

Taïga et toundra sont des habitats au climat très rigoureux avec des cycles de saisons très marqués et une faible densité d’espèces animales. La concurrence entre prédateurs est d’autant plus féroce que le nombre de proies peut varier d’une année à l’autre et selon les conditions météo. Face au lynx, à l’ours, au puma ou au loup, comment exister quand on est sous-dimensionné comme le glouton ? En étant plus hargneux, agressif, courageux, opportuniste et malin vous répondrait-il !

Car s’il est un animal qui n’a peur de rien c’est bien le glouton. Ainsi il n’hésite pas à s’attaquer aux autres prédateurs, pourtant plus grands et/ou plus nombreux que lui, pour les déposséder de leur chasse et bien souvent, ces adversaires lui font place nette. Les trappeurs du grand Nord ne l’aiment pas davantage car il est capable de manger les appâts des pièges sans se faire prendre et de s’attaquer aux animaux piégés

Ensuite le glouton peut s’avérer être un chasseur agile et rusé pour trouver les lagopèdes (des perdrix des neiges), lièvres et rongeurs qu’il affectionne voire les saumons qu’il pêche au printemps lorsqu’ils remontent les cours d’eau des rivières. Son agilité, sa puissance et son endurance en font un prédateur redoutable, capable de poursuivre ses proies sur plusieurs km. Le glouton n’hésite pas non plus à s’en prendre à des proies beaucoup plus grosses comme des cerfs, des rennes voire des jeunes élans. Capable de grimper agilement sur des troncs verticaux, il se hisse sur une branche en hauteur ou se place à l’affût et bondit sur ces proies imposantes qu’il poursuit plus aisément dans la neige où il a l’avantage.

Dans ce contexte de rareté des ressources où la chasse n’est pas toujours possible, le glouton est enfin et surtout un charognard nettoyeur de carcasses capable avec son odorat exceptionnel de sentir l’odeur d’un cadavre sous 6 m de neige.

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LE GLOUTON, ANIMAL SOLITAIRE

(Photo : Glouton © Thomas PIERRE)

Contrairement à ce que son nom latin suggère, le carcajou n’est pas si vorace et n’a besoin que de faibles rations de nourriture. Malin, il se constitue donc des réserves et stocke morceaux de viande et carcasses dans différents garde-mangers qui parsèment son vaste territoire. Enterrée, cachée dans une crevasse ou hissée en haut d’un arbre, il a été rapporté qu’il marquait sa nourriture d’un mélange d’urine et de liquide issu de ses glandes, lui valant cet autre nom d’ours-mouffette. A noter également que le glouton n’est pas exclusivement carnivore mais qu’il lui arrive également d’ajouter des fruits ou des œufs à son régime alimentaire.

Animal territorial et solitaire, le glouton parcoure jusqu’à 50 km/jour et vit en solitaire sur un territoire qui peut atteindre 600 km2 et qu’il défend jalousement en le marquant de traces musquées odorantes et sur lequel il cohabite avec 2-3 femelles.

Vivant en solo le reste de l’année dans un terrier aménagé dans les rochers ou creusé jusqu'à 2 m de profondeur, les couples se forment à la faveur de l’été et pour quelques jours seulement, le temps d’accouplements sauvages ponctués de cris et de morsures, qui font partie du rituel amoureux de l’espèce.

Après 7 à 9 mois de gestation, 2 à 3 petits naissent au printemps suivant dans un abri confectionné par la mère et vont s’allaiter pendant 10 semaines. Ils ne commencent à chasser qu’au bout de un an et atteindront la maturité sexuelle au bout de 2 à 4 ans.

UNE ESPECE MENACEE ET PARFOIS APPRIVOISEE

(Vidéo : National Geographic Wild France - Youtube)

Si l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) ne classe pas encore l’espèce parmi les plus menacées avec un statut actuel de sauvegarde au niveau de ‘Préoccupation mineure’, elle constate cependant le déclin de ses populations touchées par la déforestation, la persécution en raison de sa mauvaise réputation ou encore la chasse pour sa fourrure très prisée des trappeurs. Il est notamment menacé de disparition dans l’Est canadien alors qu’à certains endroits ses populations croissent de nouveau : des estimations partielles recensent 3.500 individus en Colombie britannique (Ouest canadien), 2.260 en Europe et 18.000 en Russie. Sa faible densité et les territoires immenses et hostiles sur lesquels il vit rendent son décompte précis très difficile.

On notera pour finir que Buffon, célèbre naturaliste du XVIIIème siècle avait un glouton apprivoisé dont il constatait qu’il buvait en lapant comme les chiens et qu’il s’avérait être ‘très remuant’*. Avis aux amateurs !

 

* Ainsi que rapporté dans le Dictionnaire Classique des Sciences Naturelles de Pierre Auguste Joseph Drapiez (1853)

Crédit article : Julien PIERRE

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