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Tout savoir sur les ours

28 Mai 2020

(Photo : Grizzly © Patrick KIENTZ)

Du panda géant au grizzly, l’ours fascine l’être humain depuis la nuit des temps. Tour à tour craint et admiré pour sa force et sa fureur, chassé pour sa chair et sa fourrure, ridiculisé par les montreurs d’ours du Moyen Âge ou adoré par les enfants avec les innombrables peluches et gentils personnages à son effigie, rares sont dans le règne animal les espèces qui suscitent autant de passion, de mythes et de légendes.

Pour mieux connaître nos frères les ours, nous vous proposons dans cet article de nous intéresser aux représentations de l’ours dans différentes cultures avant de remonter le temps aux origines de cette famille d’animaux devenus les plus gros mammifères carnivores de la planète. Nous ferons ensuite un tour du monde des ours avec un zoom sur les différentes espèces avant de finir par quelques questions à Anthony KOHLER, passionné de faune sauvage aux multiples casquettes et fin connaisseur de l’ours brun avec l’association FERUS, première association nationale de protection et conservation de l'ours, du loup et du lynx en France, avec laquelle il oeuvre à sa conservation.

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L’OURS EST UN ANIMAL CHARGE DE SYMBOLES DANS DE NOMBREUSES CULTURES

(Photo : Grizzlis © Patrick KIENTZ)

Quand le psychiatre suisse Carl Gustav Jung fait de l’ours une incarnation de la part dangereuse de l’inconscient, que Boucles d’Or découvre la maison laissée vide par trois ours qui vont ensuite lui faire la peur de sa vie, quand le trappeur Hugh Glass incarné par Leonardo DiCaprio se fait quasiment mettre en pièces par un ours terrifiant dans le film The Revenant (2016) ou quand une vidéo d’hommes cagoulés menaçants façon FLNC fait irruption sur Internet en 2017 pour annoncer la réouverture de la chasse à l’ours en Ariège, pas de doute on est clairement dans le registre de la peur. On retrouve d'ailleurs l'ours dans notre classement des 10 animaux les plus effrayants.

L’être humain a peur de l’ours, et ça ne date pas d’hier !

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MYTHES ET LEGENDES : L’OURS EFFRAYANT

(Image : 3380px-Teodors_Ūders_-_Bear_and_a_Girl_-_Google_Art_Project - Wikimedia Commons - Domaine Public)

En Europe, l’ours est assimilé aux cavernes et par là même à l’obscurité et aux ténèbres, comme un lointain écho aux combats sauvages que l’on a longtemps imaginés entre les hommes préhistoriques et l’ours des cavernes. Quel était vraiment le rapport que les représentants européens du genre Homo entretenaient avec les ursidés durant la Préhistoire ?

Selon une théorie populaire des années 1920, on a extrapolé sur des Hominidés et des ours concurrents qui se disputaient grottes et cavernes pour survivre aux terribles hivers glaciaires de l’époque voire des rites et cultes des chasseurs célébrant le ‘Dieu ours’. S’il est maintenant avéré que les ancêtres de notre lignée chassaient les ours de l’époque pour leur subsistance, impossible en revanche sur la base des découvertes archéologiques actuelles d’extrapoler sur un possible culte de l’ours déifié. Comme le précise Anthony : "l’ours était-il un dieu ou un concurrent direct des hommes dans la lutte pour la survie ? La question demeure !."

Quand on avance dans le temps, on constate cette fois preuves à l’appui que l’ours est bien un animal totem dans les cultures des peuplades septentrionales autour du globe. Associé à la Lune, il disparaît avec l’hiver et réapparait au printemps. Symbole d’une puissance sauvage voire sexuelle et toujours dans cette idée qu’il fait de l’ombre à l’Homme, on note ainsi l’obsession de plusieurs cultures nordiques à proscrire tout contact des femmes avec l’ours. Ainsi chez les peuples chasseurs d’Amérique du Nord et de Sibérie sa chasse est strictement réservée aux hommes. Chez les Lapons, les femmes ont carrément interdiction de fouler sa piste car elles risqueraient d’être assaillies par l’esprit de la bête. On y dit de l’ours qu’il enlève des femmes et qu'elles vivent ensuite maritalement avec lui.

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L’OURS ANCETRE DE L’HOMME, NOTRE FRERE JUMEAU

(Photo : Ours brun ©  Anthony KOHLER)

La crainte de l’ours est tempérée par la fascination et le respect qu’il inspire, au point d’être considéré comme un double de l’homme capable comme nous de bipédie par son aisance à se dresser debout sur ses pattes arrières. Plusieurs cultures le considèrent comme un ancêtre de l’espèce humaine, des indiens Algonquins du Canada qui l’appellent ‘Grand-Père’ aux chasseurs de Sibérie qui le surnomment le ‘vieux’, le ‘vieillard noir’ ou encore le ‘maître de la forêt’. Au Japon sur l’île d’Hokkaïdo où vit Ursus thibetanus japonicus, une sous-espèce de l’ours noir d’Asie, il est considéré comme une divinité des montagnes et l’ancêtre de la peuplade ancienne des Aïnus qui lui consacrent la fête traditionnelle de ‘Kamui omante’ chaque année en Décembre.

Dans la riche  symbolique de l’ours, on peut aussi retenir que le légendaire Roi Arthur, ‘Artoris’ en Celte, fut nommé ainsi en référence à l’ours (‘Arz’ en Celtique, ‘Arth’ en Gallois, ‘Art’ en Irlandais) car il était un emblème de la classe guerrière, que la ville de Berne doit son nom à l’ours (‘Bär’ en Allemand) ou encore que la constellation de la ‘Grande Ourse’ fait référence à une jeune maîtresse de Zeus transformée en ourse et qu’il a protégée des flèches de sa femme jalouse en la plaçant parmi les étoiles. L’ours est indéniablement un des animaux sur lequel courent le plus de légendes et l’un des plus chargés en symboles !

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ORIGINE DES URSIDES ET PREHISTOIRE

(Schéma Grizzly vs ours des cavernes vs ours à face courte © Anigaïdo)

Pour découvrir les origines des Ursidés, la famille des ours, il faut remonter le temps avec un premier passage obligé par le Pléistocène (de -2,6 Ma à -11.000 ans) et le mythique ours des cavernes qui était présent en Europe jusqu'à la fin de cette période. D’une stature comparable à celle de l’ours brun qui existait également déjà dans sa version de l’époque, il s’en distinguait par une tête énorme au front bas, un museau plus petit et un arrière-train rabaissé à la façon des hyènes en raison de membres postérieurs plus courts. Une étude de 2016 privilégie l’idée qu’il était principalement voire exclusivement végétarien.

L’homme a-t-il précipité la fin de ce géant en le décimant ? Pas sûr comme nous le précise Anthony : "le changement climatique a probablement joué un rôle dans le déclin de l'ours des cavernes, dont la disparition définitive coïncide avec le dernier refroidissement du climat au cours du Pléistocène, il y a entre 25.000 et 18.000 ans. Les chercheurs suggèrent que cette fluctuation de température aurait provoqué une diminution des abris disponibles et de la végétation dont se nourrissaient les animaux. Le changement climatique et l'appauvrissement des écosystèmes naturels ont donc probablement constitué le véritable "coup de grâce" porté à l'ours des cavernes qui connaissait déjà un rapide déclin.".

Autre espèce d’ours qui faisait partie de la mégafaune de Pléistocène, l’ours à face courte (Arctodus simus) était lui un ours géant qui vivait en Amérique. Il était le plus grand prédateur terrestre de l’époque mais n’a pas non plus survécu à la dernière glaciation alors qu’il semblait davantage carnivore.

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URSAVUS, LE CARNIVORE OMNIVORE

(Photo : Megafaune du Paléolithique, avec au premier plan deux squelettes d'Ursidés préhistoriques au Field Museum de Chicago ; à gauche l'ours des cavernes et à droite l'ours à face courte © Julien PIERRE)

Quand on remonte encore le temps à la recherche d’une proximité entre les Ursidés actuels avec des espèces fossiles, on se retrouve il y a 20 Millions d’années aux début du Miocène avec Ursavus, le plus ancien genre d’ursiné identifié à ce jour, des mammifères à fourrure de l’ordre des Carnivores dont il existait plusieurs espèces dont la taille variait de celle d’un chat à celle d’un loup. Les ursinés sont la sous-famille qui contient les genres Ursus (ours blanc, ours brun, ours noir d'Amérique, ours noir d'Asie), Melursus (l'ours lippu) et Helarctos (l'ours malais), les 3 genres d'Ursidés encore représentés aujourd'hui (sans oublier l'ours à lunettes et le panda géant qui sont bien des Ursidés, mais de sous-familles disctinctes). Fait intéressant, Ursavus avait déjà une morphologie dentaire hypocarnivore, typique des ours modernes, indiquant un régime alimentaire omnivore ou herbivore. Ce type de dentition semble donc être une caractéristique apparue très tôt dans l’évolution des ours.

Quant à la famille des ursidés, elle est encore plus ancienne et trouverait ses origines entre 30 et 40 Ma avec les amphicynodontinés !

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LE PORTRAIT TYPE D’UN URSIDE

(Photo : Ours brun © Anthony Kohler)

Outre leur régime alimentaire à tendance omnivore, une autre caractéristique commune des ours, c’est qu’ils sont plantigrades. Nous ne savons pas si Ursavus l’était ou si cette spécificité est apparue avec les espèces suivantes, mais le fait est que les ours se déplacent sur la sole de leurs pieds, c’est à dire que c’est leur voute plantaire et leur talon qui touchent le sol en premier par contraste avec les digitigrades (comme les canidés) qui s’appuient sur les doigts à l’avant de leur pied pour se mouvoir. Les ours ne sont pas les seuls plantigrades du règne animal car la souris, le blaireau, le raton laveur, les primates et… nous-mêmes les humains Homo Sapien Sapiens sommes également plantigrades !

Même si les 8 espèces d’ours actuelles ont chacune des particularités, on peut décrire les ursidés comme des animaux plutôt lourds et massifs, aux membres courts et costauds dotés de longues et solides griffes, une courte queue, une grosse tête et un corps entièrement velu.

Dans les régions où les hivers sont marqués, les ours pratiquent l’hivernation et vivent sur leurs réserves pendant quelques mois à l’abri dans une tanière ou un abri sous la neige à l'instar de la mère ours polaire gestante qui y donnera naissance à ses petits.

Partons maintenant à la découverte des ours du monde, mammifères de l’ordre des carnivores qui sont présents sur toute la planète à l’exception de l’Antarctique (il n’y a pas d’ours au Pôle Sud, seulement au Pôle Nord), de l’Océanie et de l’Afrique. Ils étaient autrefois représentés sur le continent africain par l’ours de l’Atlas mais cet ours brun petit format est aujourd’hui éteint.

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L’OURS POLAIRE, LE GEANT DES GLACES

(Photo : Deux jeunes ours blancs en train de jouer © Patrick KIENTZ)

Animal mythologique dans la tradition orale des peuples Inuits, capable de prendre la forme de l’homme ou de prêter à celui-ci sa force titanesque lorsqu’il revêt sa peau, l’ours blanc est avec l’ours brun la plus massive (jusqu’à 700 kg) et la plus grande (3 m de long, 1,60 m de haut) des espèces actuelles d’Ursidés. Il y aurait aujourd’hui environ 26.000 ours blancs à l’état sauvage que l’on trouve essentiellement au nord du Canada mais aussi au Groenland, en Norvège, en Russie et en Alaska.

Particulièrement adapté à la vie dans le cercle polaire, il a une fourrure entièrement blanche doublée de bourre épaisse pour affronter le froid et est un excellent et endurant nageur grâce à ses énormes pattes partiellement palmées : il est d’ailleurs le seul ours classé parmi les mammifères marins, capable de nager sur plus de 300 km d’une traite. Il s’est forgé une réputation d’expert dans la chasse aux phoques qu’il peut sentir à 1 km de distance ou sous la glace avant de les tuer d’un seul coup de pattes pour les hisser hors des trous dans la banquise où les pinnipèdes remontent respirer. A l’automne, il se rapproche du cercle polaire et attend la formation de la banquise pour aller y chasser sa proie favorite. Solitaire, il parcoure de vastes territoires en quête de nourriture et s’attaque aussi aux cétacés et aux morses, ne rechignant pas sur les carcasses de baleines échouées. Il consomme également du poisson (on l’a vu chasser le saumon comme ses cousins), des œufs, des petits rongeurs type lemmings  et des végétaux dont une algue marine de la mer Arctique essentielle à son alimentation.

Conséquences du réchauffement climatique qui fait disparaître la banquise du Pôle Nord, on voit certaines populations d’ours polaires affamés se regrouper dans des villes proches du cercle polaire où ils pillent les décharges, des hybridations avec les populations de grizzlys (engendrant des pizzlys) ou encore des ours polaires qui collaborent entre eux pour chasser des morses ou des bélougas alors qu'on les pensait exclusivement solitaires.

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L’OURS BRUN, TITAN RENFROGNE AUX NOMBREUSES SOUS-ESPECES

(Photo : Ours brun © Thomas PIERRE)

L’autre géant de la famille aux mensurations comparables à celle de l’ours polaire, l’ours brun, est un titan qui se décline en au moins une dizaine sous-espèces (d’après le site bearconservation) avec des classifications toujours sujettes à discussion et débat.

Via ses divers représentants, il est l’espèce d’Ursidé avec la plus grande aire de répartition. On le trouve du désert de Gobi en Asie (rarissime Ursus arctos gobiensis, ours brun de petite taille dont il ne resterait qu’au maximum une quarantaine d’individus à l’état sauvage essentiellement en Mongolie) aux territoires sauvages de l’Alaska et de l’Ouest du Canada où les grizzlis (Ursus arctos horribilis) se retrouvent en automne au bord des cours d'eau pour se gaver des saumons qui remontent leurs rivières natales pour se reproduire et mourir, des forêts de l’île Kodiak au Sud de l’Alaska (où vit l’ours Kodiak, Ursus arctos middendorffi, le plus grand des ours bruns) aux Pyrénées françaises et espagnoles où survivent péniblement moins d’une cinquantaine d’ours bruns européens (Ursus arctos arctos) dont les populations sont renforcées par des individus amenés de Slovénie.

S’il apprécie les protéines que la viande lui apporte, l’ours brun est un piètre chasseur car il ne peut tenir la distance sur une course face à un cervidé ou un élan. Il privilégiera donc la ruse en s’attaquant à des proies affaiblies (individus jeunes ou malades) ou vulnérables (troupeaux d’ovins laissés sans surveillance qui ont perdu leurs réflexes de survie) et, en bon opportuniste, va ouvrir son régime alimentaire à une grande diversité de nourritures selon la période de l’année : poisson, œufs, insectes, plantes, carcasses et charognes, oiseaux, petits rongeurs, invertébrés et bien sûr le miel cher au personnage de Winnie l’ourson.

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L’OURS NOIR AMERICAIN, LE ‘PETIT’ COUSIN D’AMERIQUE

(Photo : Ours noir - Pixabay - CC0 - 272447)

Avec ses 2 m de long, une hauteur de 1 m à l’épaule et un poids maximum à 300 kg (avec quand même un record à 400 kg !), l’ours noir américain (Ursus americanus), aussi appelé baribal, se positionne un cran en-dessous en terme de corpulence face aux deux espèces que nous venons de voir. Toutefois ce qu’il rend en poids et en taille à ses illustres cousins blanc ou bruns, il le gagne en agilité car c’est un excellent grimpeur doublé d’un bon nageur.

On identifie un grand nombre de sous-espèces à l’ours noir qui se répartissent entre les Etats-Unis, le Canada et le nord du Mexique. Parmi celles-ci, l’ours Kermode (Ursus americanus kermodei) aussi appelé ‘Spirit Bear’ (l’ours-Esprit) vénéré par le peuple autochtone des Tsimshians. On trouve ce magnifique Ursidé au pelage beige crème à blanc (!) uniquement dans les forêts pluviales tempérées des côtes de la Colombie Britannique au Canada. Cette sous-espèce qui compte de 400 à 1.200 individus à l’état sauvage semble appelée à disparaître à moyen terme du fait de ses hybridations avec les autres sous-espèces d’ours noir.

L’ours noir a une préférence pour les zones forestières, ses talents de grimpeurs lui permettant notamment de se mettre à l’abri des ours bruns plus costauds qu’il va croiser. Taille moyenne, fourrure noire et un museau plus clair de couleur brun caramel à gris permettent de l’identifier. Il est également assez courant qu’il ait une tache blanche sur la poitrine. Son régime alimentaire est omnivore avec une part importante de végétaux.

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L’OURS A COLLIER, IRRASCIBLE ANIMAL PRESENT DE L’IRAN AU JAPON

(Photo : Ours à collier - Pixabay - Ishhweb - CC0)

Que voilà un oursmal léché à la réputation semble-t-il pas usurpée car il est connu pour se montrer peu amical avec l’homme qu’il n’hésite pas à attaquer. L’ours noir à collier ou ours noir d’Asie se décline en 7 sous-espèces parmi lesquelles le petit et rarissime ours noir du Balouchistan (Ursus thibetanus gedrosianus) considéré par l’UICN comme espèce 'En danger critique d’extinction' qui survit encore dans des montagnes reculées d’Iran et du Pakistan ; l’ours noir de l’Himalaya (Ursus thibetanus laniger) présent dans la célèbre chaîne montagneuse entre jungles et montagnes entre 1.500 m et 4.000 m d’altitude au régime omnivore incluant une bonne part de végétaux mais aussi des moutons et chèvres domestiques si l’occasion se présente ; et l’ours noir du Tibet (Ursus thibetanus thibetanus) qui se distingue de son cousin par une fourrure plus courte et moins fournie plus adaptée aux zones montagneuses plus chaudes où il évolue – de l’est de l’Inde au Vietnam et du Yunnan en Chine au nord et au centre de la Thaïlande et de la Birmanie, une aire de répartition qu’il partage pour partie avec l’ours noir d’Indochine (Ursus thibetanus mupinensis) qui lui est présent encore un peu plus au sud par rapport à l’ours noir du Tibet. Les autres représentants sont l’ours noir de Mandchourie ou ours noir d’Ussuri (Ursus thibetanus ussuricus) (la plus costaude des sous-espèces), l’ours noir du Japon (Ursus thibetanus japonicus), animal nocturne qui dort dans des nids qu’il se fait dans les arbres et réputé dangereux avec pas mal d’accidents recensés entre ours et humains dans les zones montagneuses de l’archipel nippon où on le trouve encore, et l’ours noir de Formose (Ursus thibetanus formosanus) dont 200 à 300 individus sauvages survivent dans les montagnes du centre de l’île-Etat de Taïwan.

L’ours noir d’Asie a un régime alimentaire omnivore qui fait la part belle aux végétaux. C’est un ours de taille moyenne que l’on reconnaît à sa fourrure noire souvent longue, une possible tache blanche au menton et la grande tache blanche à jaune-crème en forme de croissant ou de lune pointant vers le haut sur son poitrail.

Les ours asiatiques (ours à collier, ours lippu, ours malais) sont victimes d’une industrie particulièrement atroce exploitant leur bile vendue à prix d’or pour ses vertus guérisseuses : les ours en captivité se voient poser un robinet directement sur leur vésicule biliaire dont on extrait à vif leur bile réputée entre autre faire disparaître les calculs rénaux sans effet secondaire avéré. Outre la souffrance générée, les ours meurent systématiquement d’infections et de cancers à cause de cette pratique qui se poursuit encore en Chine.

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L’OURS LIPPU, LE PARESSEUX DE LA FAMILLE

(Photo : Ours lippu © Anigaïdo)

On distingue deux sous-espèces de l’ours lippu, l’ours lippu commun (Melursus ursinus ursinus) et l’ours lippu du Sri Lanka (Melursus ursinus inornatus) dont il ne resterait que 500 individus à l’état sauvage sur l’île-pays. L’ours lippu, connu sous divers noms (ours paresseux, ours à miel, prochile lippu, ours à longues lèvres) est un Ursidé qui vit dans les forêts et plaines arborées du Sri Lanka, de l’Inde, du Bhutan et du Népal. C’est un ours aux longues griffes de 8 cm de long particulièrement fan de fourmis et de termites qui constituent l’essentiel de son alimentation avec le miel et les oeufs. Il peut atteindre les 1,90 m de long et un poids jusqu’à 190 kg pour les mâles. La femelle de cette espèce promène ses oursons accrochés sur son dos. L'ours lippu se caractérise par  une fourrure noire de long poils hirsutes, une langue immense, des grandes lèvres et de grosses babines qui retombent de chaque côté de son museau mobile plus clair et une tache blanche en forme de ‘Y’, de ‘O’ ou de ‘U’ sur le poitrail

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L’OURS MALAIS, PEPERE SOUS LES TROPIQUES

(Photo : Ours malais - Pixabay - PublicDomainPictures - CC0)

Aussi appelé bruan ou encore ours des cocotiers car il est un excellent grimpeur, l’ours malais (Heloarctos malayanus) est le plus tropical et le plus petit des ours, mesurant de 50 cm à 1,40 m de long (+ petite queue de 7 cm) pour un poids de 50 à 65 kg. On le reconnaît à son pelage court de couleur gris à fauve en passant par le noir,  son museau clair et court, ainsi que la tache orangée sur son poitrail qui fait comme un tablier en forme de fer à cheval. Autres signes distinctifs, ses longues griffes qu’il utilise pour gratter les souches et monter aux arbres où il dort et sa langue immense de 25 cm, de quoi extraire le miel et les larves d’insectes dont il raffole.

On le trouve dans les forêts tropicales d’Asie du Sud-Est. Il existe 2 sous-espèces de celui qu’on appelle aussi 'sunbear' (l’ours du soleil) en anglais : l’ours malais de Bornéo et l’ours malais de… Malaisie (Helarctos malayanus malayanus), la sous-espèce la plus répandue mais cependant classée comme ‘Vulnérable’ par l’UICN, parce qu’outre la disparition de son habitat forestier, il est également braconné pour alimenter la médecine traditionnelle chinoise et qu’on lui reproche de détruire les cultures de cocotiers.

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L’OURS A LUNETTES, BONS BAISERS DES ANDES

(Photo : Ours à lunettes - Pixabay - Pixel-mixer - CC0)

Aussi connu sous le nom d’ours des Andes, l’ours à lunettes (Tremarctos ornatus) vit dans les forêts d’altitude de la Cordillère des Andes en Amérique du Sud. Reconnaissable aux marques blanches autour de ses yeux propres à chaque individu, il mesure au maximum 2 m de long pour un poids maximum de 150 à 180 kg. Très présent dans les mythologies locales comme ses cousins septentrionaux, il est par exemple surnommé ‘yanapuma’ ('le jaguar noir') en langue quechua du Pérou ou encore l’ours au front au blanc. Bon grimpeur, il mange beaucoup de végétaux, cactus, fruits, fleurs, racines qu’il va compléter d’un peu de protéines animales à l’occasion. Comme il arrive qu’il s’attaque aux cultures et aux troupeaux de bétail, les paysans ne l’aiment guère. C’est un animal discret, craintif et de mœurs nocturnes considéré comme une espèce ‘Vulnérable’ par l’UICN en raison du déclin de ses populations sauvages chassées (pour sa viande et sa bile) et impactées par la disparition de leur habitat forestier. Unique représentant du genre Tremarctos (la famille des ursidés compte 3 genres), il est considéré comme une des espèces d’ursidés les plus primitives car il présente des caractéristiques communes avec l’ours à face courte disparu à la fin du Paléolithique.

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PANDA GEANT, L’ICONE MANGEUSE DE BAMBOUS

(Photo : Panda - einszweifrei - Pixabay - CC0)

Le panda géant, avec sa bonhommie, ses oreilles rondes et ses ‘lunettes’ noires sur cette grosse face ronde, est un symbole planétaire de la conservation des espèces menacées et un instrument puissant de la diplomatie chinoise. Si après des dizaines d’années d’efforts de protection drastiques on peut considérer que l’espèce va mieux, elle reste extrêmement fragile parce que les femelles n’ont que quelques jours de fécondité par an et sont très exigeantes vis-à-vis des mâles qui se présentent, prétendants dont la libido n’est pas non plus des plus furieuses. Le panda est un ursidé dont le régime alimentaire se compose à 99 % de bambous qu’il saisit avec aisance grâce à un sixième doigt dont la nature l’a doté, point commun qu’il partage avec le seul panda roux. Ce sixième doigt est en réalité une extension de son poignet qu’il peut opposer aux cinq autres doigts.

Deux sous-espèces de panda ont été identifiées à ce jour : le panda géant de Chine et le panda de Qinling (Ailuropoda melanoleuca qinlingensis) au pelage brun et blanc-crème, plus petit et reconnu comme sous-espèce en 2005. On en compte 200 à 300 individus vivant dans les Monts Qinling en Chine à plus de 1.000 m d’altitude.

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L'OEIL DU PASSIONNE : ANTHONY KOHLER, VICE-PRESIDENT DE FERUS

(Photo : Ours brun © Anthony KOHLER)

Anthony KOHLER est un passionné d’animaux multi casquettes. Il intervient notamment en qualité de Vice-président de FERUS, la première association nationale de protection et de conservation de l'ours, du loup et du lynx en France et est également Responsable Adjoint de la réserve animalière du Domaine des Grottes de Han en Belgique.

Suivant avec beaucoup d’attention la situation des ours dans les Pyrénées qu’il documente à grand renfort de pédagogie et de connaissances par ses conférences et vidéos sur Internet, il répond à nos questions pour mieux comprendre cet animal mythique qui ne laisse personne indifférent.

Interview :

Bonjour Anthony et merci de prendre le temps de répondre à nos questions. Une question simple pour commencer : à quoi servent les ours dans la nature ? Quel est leur rôle dans un écosystème ?

Anthony KOHLER : Dans la nature, chaque espèce forme un maillon de ce qu’on appelle le réseau trophique. Un réseau dans lequel les interactions entre chaque espèce contribuent à « l’équilibre » de la vie. Equilibre qui peut se traduire par une succession de déséquilibres parfois.

L’ours comme n’importe quelle espèce va donc jouer un rôle dans son écosystème. De par son régime alimentaire, l’ours va contribuer à la dissémination des graines qu’il a consommées mais pas digérées. Il va aussi contribuer au nettoyage des carcasses avec les autres charognards pour limiter les propagations de maladies etc… Au final il a un rôle qui prend son sens dans un réseau trophique complet, comme beaucoup d’espèces.

La conservation de l’ours est avant tout philosophique, presque dogmatique. Cet animal, comme tous les autres, a sa place sur notre planète. Nous nous devons de ralentir l’érosion de la biodiversité. La conservation de l’ours incarne notre capacité à laisser de la place pour la nature sauvage, au même titre que le loup.

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APPRENDRE A VIVRE AVEC L'OURS

(Photo : Ours brun © Anthony KOHLER)

A l’exception notable du panda géant, on voit bien que l’ours (et les grands prédateurs comme le lynx ou le loup en France) souffrent d’un traitement médiatique souvent sensationnaliste. Comment analyses-tu cette situation ?

Anthony : D’une manière générale, les animaux « sauvages » font souvent l’objet de sensationnalisme, encore plus quand on a affaire aux grands prédateurs. Ils incarnent une nature sauvage qu’on ne maîtrise pas, qui semble imprévisible. Or notre espèce a passé des siècles à essayer de s’affranchir de l’imprévisible. Ces animaux incarnent donc cette « lutte » pour sortir l’homme de sa situation de vulnérabilité.

Je pense qu’aujourd’hui on se rend compte qu’on ne peut pas tout maîtriser, tout éloigner de nous. Il faut apprendre à vivre en harmonie avec ce qui nous entoure, pas seulement pour le salut des ours mais avant tout pour le nôtre.

Dans ta vidéo du 6 Mai 2020 traitant de la situation de l’ours dans les Pyrénées, tu évoques la Slovénie (dont sont originaires les individus qui viennent renforcer la population franco-espagnole), un pays qui a l’habitude de vivre avec les ours. Quelles sont pour toi les clés d’une cohabitation apaisée entre les hommes et les ours ?

Anthony : Je crois que la différence est que l’ours a toujours fait partie prenante de la vie des slovènes. Ils connaissent l’ours, savent éviter les situations conflictuelles. Les troupeaux et les ruchers sont protégés. L’ours permet même à une partie de la population de rester dans l’arrière-pays grâce à l’éco-tourisme, au « bear watching ». L’animal représente donc un atout non négligeable pour la région.

On le voit en Espagne, en Croatie, en Roumanie, en Italie ou en Scandinavie, l’ours est un animal fascinant qui vaut le déplacement. Alors si on apprend à l’accepter, qu’on met en place des outils de cohabitation, il n’y a pas de raisons que cela ne marche pas.

A titre personnel, as-tu le souvenir d’une rencontre avec l’ours qui t’a particulièrement marqué ? Peux-tu nous en faire le récit ?

Anthony : Ma première rencontre avec un jeune ours en Slovénie m’a impressionné par le calme de l’animal. Il était tranquillement en train de s’alimenter, nous étions à bonne distance mais il s’est éloigné de nous, sans trop nous prêter attention pour continuer sa quête insatiable de nourriture.

Cela représente pour moi ce qu’est l’ours, le roi de la forêt.

Hormis nous, cet animal ne craint pas grand-chose. Lorsqu’il est encore jeune et insouciant, cela peut donner lieu à des rencontres incroyables !

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FERUS, PROTECTION ET CONSERVATION DES GRANDS PREDATEURS

Au sujet de l’association FERUS qui se consacre à la protection et à la conservation des grands prédateurs (ours, loup et lynx), comment les lecteurs peuvent-ils aider voire participer ?

Anthony : La première chose est bien entendu d’adhérer à l’association. Plus nous avons d’adhérents, plus nous pouvons défendre au mieux les grands prédateurs de notre territoire.

Ensuite il existe 3 programmes pour soutenir l’ours dans les Pyrénées.

Parole d’ours, un programme d’éco-volontariat pour aller parler de l’ours, donner des informations aux touristes qui visitent les Pyrénées. En 10 ans, ce programme a eu un vrai impact sur le potentiel touristique de l’ours auprès des commerçants pyrénéens.

Vigie Ours, un programme pour reconnaitre les tentatives de braconnage dont les ours peuvent faire l’objet de la part de personnes malavisées comme du verre pilé dans du miel, des aiguilles pliées dans des morceaux de viandes etc…

Api’ours qui est un travail sur les plantations de fruitiers et de ruchers pour rappeler combien tout est lié. La biodiversité dans son ensemble a besoin des ours dans les Pyrénées tout comme ils ont besoin d’elle pour survivre.

 

Le site web de FERUS

Vidéo conférence d'Anthony sur Facebook du 6 Mai 2020 sur la situation de l'ours dans les Pyrénées

Le Domaine des Grottes de Han

Crédit article : Julien PIERRE avec les collaborations de Maxence DUCROS, Patrick KIENTZ et Anthony KOHLER.

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