Guide pour sorties très bêtesEspace membre
 - Image 2

Loutre qui es-tu ? portrait de l’animal le plus mignon des rivieres de france

20 Août 2022

(Photo : Loutre d'Europe Lutra lutra - Wikimedia Commons - MatthiasKabel - CC BY-SA 3.0)

Des différents animaux qui composent la faune sauvage française, la loutre compte sans doute parmi les espèces les plus mignonnes et sympathiques. Cette perception positive vient-elle de sa bonne bouille, de son caractère espiègle et joueur, de son côté chien popularisé (à tort) sur les réseaux sociaux ou encore de la bonne nouvelle de son retour dans des rivières françaises qui retrouvent ainsi un peu leur côté sauvage ? La loutre, autrefois abondamment piégée et chassée, n’a pas toujours eu cette image positive et si on la sait en expansion dans l’Hexagone il faut souvent se contenter de petits indices (empreintes, restes de repas et crottes, abri, odeurs…) plutôt que de franches observations pour attester sa présence.

Des signes discrets révélant qu'on se trouve sur son territoire à sa description et son comportement, Anigaïdo vous propose de faire plus ample connaissance avec la loutre, ce génie facétieux des eaux vives en phase de reconquête des rivières de l’Hexagone.

 - Image 2

OU VIT LA LOUTRE D'EUROPE ?

(Photo : Loutre d'Europe - Gellinger - Pixabay - CC0)

De l’Amérique du Nord au Sud à l’Asie en passant par l’Afrique on dénombre dans le monde 13 espèces de loutres*, les Lutrinae, qui appartiennent à la famille des mustélidés. Parmi elles, la loutre commune Lutra lutra, aussi appelée loutre d'Europe ou encore loutre d’Eurasie, compte une des aires de répartition les plus vastes qui va bien au-delà des rivières françaises et européennes puisqu’elle est aussi présente en Afrique du Nord (Maroc et Tunisie essentiellement), une partie du Moyen Orient (Syrie et Irak notamment) et en Asie de l’Indonésie au nord de la Russie.

Intimement liée à l’eau douce (même si elle est aussi présente dans certains estuaires), la loutre commune est un mammifère aquatique capable d’évoluer sous divers climats et latitudes tant qu’il y a une rivière ou un fleuve aux eaux suffisamment pures et riches en poissons avec des berges où s’aménager cachettes et refuges.

Tant que ses exigences en qualité de l’eau et quantité de ressources alimentaires sont remplies, on la trouve indifféremment dans des environnements de climats chaud à tropical humide jusqu’aux rivières glaciales des limites de la ceinture boréale (elle ne craint pas la neige où elle s’y fait des toboggans où elle s’amuse à tout âge) en passant par les cours d’eau de montagne au-delà de 4.000 m d’altitude et même à proximité de certaines zones urbaines.

 - Image 2

DESCRIPTION DE LA LOUTRE COMMUNE

(Photo : Loutre d'Europe - Wikimedia Commons - MatthiasKabel - CC BY-SA 3.0)

Loin d'être aussi petite qu'on l'imagine (la longueur total d'un mâle peut dépasser 1,30 m pour un poids d'une vingtaine de kg !), la loutre commune est un mammifère particulièrement adapté à son mode de vie aquatique.

Avec sa tête aplatie, son museau allongé, ses membres courts et musclés, ses cinq doigts en éventail dotés de palmures et surmontés de petites griffes rondes et son corps souple et ramassé tout en longueur (de 60 à 90 cm de long pour un poids moyen de 12 kg pour la femelle et 18 kg pour le mâle) en forme de torpille propulsée par une queue puissante (de 35 à 45 cm de long) qui sert d’hélice, la loutre commune Lutra lutra est clairement taillée pour la plongée et les courses poursuites sous l’eau avec les poissons qu’elle dévore à l’aide de ses 36 petites dents pointues. Et à la manière du sous-marin qui ferme ses écoutilles quand il plonge, la loutre ferme oreilles et narines lors de ses apnées qui peuvent durer de 7 à 8 minutes.

En mode chasse, ce sont ses vibrisses longues et raides et son acuité visuelle exceptionnelle (grâce à une adaptation de son cristallin) qui s’activent et vont l’aider à localiser ses proies.

Elle ne craint ni l’eau ni le froid car elle dotée d’un pelage double couche constitué de poils de bourre (une couche serrée de duvet hyper dense – de 60.000 à 80.000 poils/cm2 ! - près du corps assurant l’imperméabilité et conservant la chaleur) et de poils de ‘jarre’ (les poils extérieurs raides et longs qui sèchent très vite).

MODE DE VIE ET COMPORTEMENTS DE LA LOUTRE COMMUNE

(Vidéo : 'La loutre d'Europe', chaîne Muséum national d'Histoire naturelle sur Youtube)

La loutre commune est un animal solitaire et territorial qui délimite son aire préférentielle (une dizaine de km longeant la rivière pour une femelle et jusqu’à 3 à 4 fois plus pour le mâle englobant les territoires de plusieurs femelles) en plaçant ses crottes (appelées épreintes) bien en évidence à des endroits stratégiques pour bien montrer à ses congénères chez qui ils sont !

La loutre étant un animal extrêmement méfiant et discret, elle adopte souvent un mode de vie nocturne pour ne pas être importunée par la présence humaine et ce sont souvent ces petits tas de crottes contenant des restes de ses repas (arêtes, écailles, pinces d’écrevisse, etc) à l’odeur particulière (du miel avec un léger fumet de poisson) qui trahissent sa présence.

Outre ses déjections et l’empreinte caractéristique de ses pattes (une marque de 7 cm de long symétrique au milieu où l’on distingue les 5 doigts et les palmures) qu’elle laisse dans les sols meubles ou la neige, l’autre indice attestant de la présence de la loutre, c’est son abri appelé catiche (qui vient de se ‘catir’ pour se lover dans un coin douillet en vieux français) et qui dégage lui une forte odeur de poisson pourri quand il héberge une rare portée de petits loutrons.

Très discrète et silencieuse le reste de l’année, la loutre émet des sifflements au printemps notamment quand mâles et femelles se rencontrent et s’apparient ou quand la mère communique avec ses petits.

Ceux-ci demeurent au moins sept mois auprès de leur génitrice qui va les éduquer à la dure en les jetant de force dans l’eau pour leurs premiers bains (alors qu’ils n’aiment guère cela au début) et leur apporter des proies un peu estourbies pour qu’ils apprennent à chasser. Ils finiront par quitter le giron familial et s’établir sur leur propre territoire au bout de 3-4 ans.

 - Image 2

QUE MANGE LA LOUTRE ?

(Photo : Wikimedia Commons - Alexander Leisser - CC BY-SA 4.0)

Econome de son énergie, la loutre est un super prédateur qui privilégie les espèces de poissons les plus abondantes dans la rivière et s’en prend plutôt aux espèces prédatrices (brochets, truites, anguilles, carpes, brèmes), complétant son menu d’amphibiens, d’oiseaux d’eau (foulques, poules d’eau, canards, grèbes), d’insectes et de vers ou encore de petits rongeurs. Également friande de crustacés, elle chasse aussi l’écrevisse américaine ce qui est plutôt une bonne nouvelle car cette dernière est une espèce invasive porteuse saine de la peste de l’écrevisse qui décime nos espèces autochtones déjà mal en point comme l’écrevisse à pieds rouges.

 - Image 2

LA LOUTRE, UN ANIMAL MAGIQUE ET MENACE AUJOURD'HUI PROTEGE

(Photo : Loutre d'Europe - Wikimedia Commons - Juan Lacruz - CC BY-SA 3.0)

Mystérieuse et facétieuse, vivant la nuit dans l’ombre de l’homme, présente mais invisible, la loutre est souvent entourée d’une aura mystique dans les cultures humaines qui la côtoient. Sorte d’insaisissable génie du fleuve, elle est souvent associée à la lune, à la magie et aux rites initiatiques avec un rôle de passeur d’âmes vers l’au-delà. Sa peau est utilisée par les magiciennes Bantous (Cameroun et Gabon) qui s’en font des ceintures portées lors de rites favorisant la fécondité et par les chamans de certains peuples Indiens d’Amérique (tribu des Ojibwés du nord des Grands Lacs notamment) pour constituer leurs sacs à médecine.

En France, elle fut longtemps perçue par les pêcheurs et les pisciculteurs comme un concurrent nuisible et fit l’objet d’une campagne massive de piégeage de la fin du XIXème siècle jusqu’en 1930. Les ouvriers pauvres qui travaillaient pour les meuniers arrondissaient leurs fins de mois en revendant sa peau d’une qualité exceptionnelle, un engouement pour sa fourrure qui mena la loutre au bord de l’extinction.

Protégée depuis 1972, la loutre commune, qui ne survivait alors plus que dans quelques zones de la façade ouest, semble progressivement reconquérir son territoire et est présente sur un quart sud-ouest de l’Hexagone ainsi qu’en Bretagne, dans le Massif Central ou encore dans certaines rivières du Centre. Même si elle demeure très exposée à la pollution, aux barrages et ouvrages humains ou aux chocs mortels avec les voitures, la loutre voit sa population sauvage progresser malgré tout, attestant ainsi d’une qualité des eaux retrouvée propice à sa présence et celle de ses proies.

 - Image 2

LOUTRE MYSTIQUE VS LOUTRE DOMESTIQUE DES RESEAUX SOCIAUX

(Photo : Wikimedia Commons - Peter Trimming - CC BY-SA 2.0)

La loutre est aussi un animal qui a la réputation d’être facile à apprivoiser et très fidèle envers son maître. Avec sa bonne bouille qui fait craquer et ses attitudes marrantes, il n’en fallait pas plus pour qu’elle devienne une star des réseaux sociaux avec des vidéos qui cartonnent sur Instagram, Youtube ou Tik Tok.

Sauf que… le mignon mustélidé est une espèce SAUVAGE avec les comportements et les instincts (prédation, jeux, domination, reproduction, etc…) que cela suppose et qu’à quelques rares exceptions très restrictives – dont obligation d’une autorisation préfectorale pour la détenir – il est totalement illégal de détenir une loutre.

Dix espèces de loutres (dont la loutre d’Eurasie et la loutre cendrée star des vidéos) sont inscrites sur l’Annexe I de la CITES (la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction), en proscrivant l’exportation et le commerce à quelques rares exceptions près (type recherche scientifique) et l’ensemble des Lutrinae figurent sinon dans l’Annexe II.

Bref si vous aimez les loutres, évitez de regarder, liker ou partager ce genre de contenus et chaussez plutôt une bonne paire de chaussures pour tenter d’aller déceler les indices de sa présence dans la rivière près de chez vous !

 - Image 2

* LES 13 ESPECES DE LOUTRES DANS LE MONDE

(Photo : Loutre géante © Julien PIERRE)

Voici la liste par continent des 13 espèces de loutres qu'on trouve encore dans le monde, la sous-espèce japonaise de la loutre d'Eurasie Lutra nippon ayant malheureusement été officiellement déclarée éteinte en 2012.

  • Amérique du Nord : la loutre de mer Enhydra lutris nereis et la loutre de rivière Lontra canadensis ;
  • Amérique Centrale et du Sud : la loutre géante Pteronura brasiliensis, la loutre à longue queue Lontra longicaudis, la loutre du Chili Lontra provocax et la loutre marine Lontra felina, espèce devenue rarissime qui vit le long de la côte ouest de l’Amérique du Sud ;
  • Asie : la loutre cendrée ou loutre naine Aonyx cinerea ; la loutre à pelage lisse ou loutre indienne Lutrogale perspicillata ; et la loutre de Sumatra ou loutre à nez poilu Lutra sumatrana ;
  • Afrique : la loutre à joues blanches chez laquelle on distingue l’espèce du Cap Aonyx capensis capensis et celle du Congo Aonyx capensis congicus, et la loutre à cou tacheté Lutra maculicollis ;
  • Eurasie et Afrique du Nord : la loutre commune Lutra lutra.
Crédit article : © Julien PIERRE

Commentaires sur cet article

Poster un commentaire
Top