#2 L’ELEPHANT DE MER DU SUD UN TITAN PAS TRES ‘WOKE’ CHEZ LES PINNIPEDES
(Photo : Eléphant de mer du sud © Jean-Baptiste ANGINOT ; 'Pas présents sur les plages abordées en terre de Graham, nous avons trouvé ces éléphants des mers du sud en remontant sur les îles Barrientos (Shetlands du sud). La comparaison avec leurs cousins est un peu à leur désavantage. Larvés au soleil, ils paraissent plus primitifs. Mais c’est aussi une rencontre avec des animaux qui semblent traverser les âges.')
Si le phoque de Weddell et ses plongées à 500 m de profondeur sont remarquables, que dire de l’éléphant de mer et sa capacité à plonger en-dessous de 2.000 m ? C’est simple : en la matière, il est le meilleur chez les phoques et otaries et il surpasse même par ces performances une grande partie des cétacés, pourtant des spécialistes du genre. A le voir traîner péniblement son énorme carcasse adipeuse sur les rivages des îles subantarctiques, on pourrait douter de ses capacités athlétiques... Que nenni ! A la manière du manchot chez les oiseaux, il est un animal qui a évolué pour s’adapter au milieu marin où il passe 10 à 11 mois par an. Nageur puissant équipé de très grands yeux et de vibrisses (ses poils de moustache) hyper sensibles, son poids est un atout pour descendre plus vite dans les zones obscures où il chasse ses proies (céphalopodes, poissons, krill, mollusques…) et son sang bien plus que ses poumons emmagasine et redistribue l’oxygène dans son organisme pour lui permettre de longues apnées sans paliers de décompression. En mer l’éléphant de mer est plutôt solitaire et ses zones de pêche se situent en bordure du cercle polaire antarctique.
Quand vient la saison des amours, l’impressionnant mâle d’éléphant de mer du sud Mirounga leonina (record d’un individu à presque 7 m de long pour un poids supérieur à 4 tonnes) rejoint vite les femelles sur la plage qui les ont vu naître et se mue en mâle Alpha féroce, querelleur et libidineux. De grandes colonies d’éléphants de mer se forment à partir de la fin septembre sur les rives des îles subantarctiques qu’ils se partagent souvent avec les manchots royaux. Les femelles y viennent pour mettre bas, élever les jeunes qui apprennent à nager dans les flaques et retenues d’eau à l’abri des orques et des léopards de mer jamais bien loin, et s’accoupler à nouveau avec le maître des lieux, le pacha qui veille jalousement sur son harem et affronte tout mâle qui tenterait de prendre sa place. Si les femelles sont deux à trois fois plus petites que les mâles, pour ces derniers la compétition est rude et seuls les individus les plus gros et les plus forts gagnent le droit de s’assurer une descendance.
Si les mises en garde d’usage à grand renfort de cris amplifiés par leur trompe nasale ne suffisent pas, les mâles se font face et s’arc-boutent pour se laisser tomber sur leur vis-à-vis. Protégés par un plastron de chair renforcée sur le cou et le poitrail, ils utilisent leurs canines pour blesser leur opposant. Une fois que celui-ci a abdiqué, ils retournent imposer sans ménagement leur désir aux femelles sans prêter garde aux jeunes qu’ils écrasent parfois. Certains jeunes mâles réussissent cependant à s’accoupler avec des femelles en périphérie du groupe et d’autres essaient de soutirer du lait aux femelles allaitantes pour vite gagner de la masse.
Au terme de cette période éreintante où mâles et femelles perdent déjà beaucoup de poids, l’éléphant de mer enchaîne sur l’étape pénible de la mue où il se débarrasse de son ancien pelage dans un processus nauséabond et terriblement éprouvant pour lui. A l’issue de cette ultime épreuve il peut enfin regagner les eaux fraîches qu’il affectionne pour se nourrir à nouveau.
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