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Une panthère de l'Amour par © Thomas PIERRE

Especes menacees : conservation, sauvegarde et reintroduction

4 Mars 2020

(Photo : Panthère de l'Amour © Thomas PIERRE ; un des félins les plus rares et les plus menacés au monde, avec une population sauvage estimée entre 30 et 50 individus vivant dans une région frontalière entre Chine et Russie)

Essentielle à la vie sur Terre, la biodiversité se trouve aujourd’hui menacée. De plus en plus d’animaux sauvages sont en voie de disparition et leur population s’est réduite de 60% depuis les années 70. Les animaux en voie d’extinction sont menacés par une multitude de périls d’origine humaine (destruction de l’habitat, pollution, surexploitation des espèces et espèces invasives) auxquels vient s’ajouter le réchauffement global résultant lui aussi en grande partie des activités humaines et qui modifie et détraque le climat de façon chaotique partout sur la planète. Lors de la disparition d’une espèce, c’est l’intégralité d’un écosystème qui est altérée avec parfois des conséquences irréversibles. Anigaïdo vous propose une série de plusieurs articles pour mieux comprendre le sujet complexe de la préservation des espèces menacées.

Après le premier article que nous avions consacré aux espèces emblématiques de la sauvegarde des animaux (panda géant, tigre, lynx, loutre...), nous vous proposons dans cette seconde partie de mieux comprendre les problématiques liées à la conservation des espèces menacées en terminant par des exemples d’espèces animales qui ont malheureusement disparu et d’autres qui ont pu être sauvées.

Famille de gorilles de montagne au Parc Nationale des Virunga © Objectif Brousse

LA CONSERVATION IN SITU

(Photo : Famille de gorilles de montagne dans le Parc National des Virunga © Objectif Brousse)

Quand on parle de conservation des espèces animales, il convient de distinguer ce qu’on appelle la conservation in situ, qui a pour objectif la conservation de la faune et de la flore sauvages dans son milieu naturel, et la conservation ex situ où la conservation des espèces sauvages se fait hors du milieu naturel.

La conservation in situ nécessite la sanctuarisation d’un territoire, un espace naturel protégé dont la taille, les caractéristiques et la biodiversité répondent aux besoins fondamentaux des espèces tout en y limitant au maximum les impacts des activités humaines. Ces espaces sont les parcs nationaux comme les célèbres parc national de Yellowstone aux Etats-Unis, parc Kruger en Afrique du Sud ou le parc national des Virunga en République Démocratique du Congo, les parcs naturels régionaux, les réserves naturelles privées (nombreuses en Afrique du Sud), les Espaces Naturels Sensibles, les réserves de chasse (où la chasse est interdite) ou encore les réserves de vie sauvage privées comme les développent l’ASPAS en France, Association pour la protection des animaux sauvages qui se porte acquéreur de zones naturelles et y proscrit toute interférence humaine. Dans la pratique, ces différents types de zones protégées ont des objectifs et des règles qui varient selon leur propriétaire-administrateur, leur capacité de contrôle des zones concernées et la législation et les décisions politiques du pays concerné, certains parcs nationaux octroyant par exemple des licences pour l’exploitation forestière, l’exploitation minière ou la chasse de certaines espèces, activités souvent déjà pratiquées dans l’illégalité dans ces zones sensibles par essence riches en ressources naturelles préservées.

Outarde canepetière mâle

LA CONSERVATION EX SITU

(Photo : L'outarde canepetière (ici un mâle)  est une espèce protégée aujourd'hui extrêmement menacée en France, sa population sauvage est renforcée par des individus issus de centres d'élevages de reproduction comme celui créé par la Réserve Zoologique de la Haute-Touche (36) - photo de Pierre Dalous - Wikimedia Commons - CC BY-SA 3.0)

En matière de conservation ex situ, on peut distinguer les élevages conservatoires qui visent à conserver la diversité génétique et les caractéristiques originelles d’une espèce et les élevages de propagation dont l’objectif est de réintroduire rapidement des individus dans leur milieu naturel pour apporter du sang neuf aux populations sauvages. Une troisième approche, les banques de ressources génétiques, privilégie la science et l’utilisation des ressources génétiques pour conserver une espèce, une approche déjà couramment utilisée dans l’élevage (pour les espèces animales) et dans l’agriculture et la sylviculture (pour les plantes et végétaux). Le massif rhinocéros blanc du Nord ne compte plus que deux femelles vivantes sur la planète qui malheureusement ne sont plus en mesure d’enfanter. Au Zoo de San Diego, des chercheurs tentent de prélever de leurs ovules pour les faire féconder par du sperme de mâles qui avait été conservé et inséminer ensuite une femelle de rhinocéros blanc du Sud dans le cadre d’une fécondation in-vitro.

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LES TYPES D’ACTIONS POSSIBLES POUR LA SAUVEGARDE D'ESPECES EN DANGER

(Photo : Gypaète barbu - CC0 - Pixabay)

  • On parle de réintroduction lorsqu’on réimplante une espèce sur une zone dont elle a disparu. Des bisons d’Europe nés dans des parcs animaliers ont par exemple été relâchés en 2014 dans une forêt sauvage des Carpates en Roumanie dont ils avaient disparu depuis 200 ans sous l’impulsion du WWF et de l’organisation Rewilding Europe.
  • Un transfert consiste à déplacer des individus sauvages vers une autre zone où existe une population de la même espèce. La spectaculaire opération ‘Arche de Noé’ menée en 2017 a ainsi vu le transfert par camions de 520 éléphants depuis deux parcs du Sud du Malawi vers la réserve de Nkhotakota dans le centre du pays qui ne comptait plus qu’une centaine d’individus.
  • Les actions de renforcement consistent à apporter de nouveaux individus à une population existante. Trois gypaètes barbus nés en captivité ont ainsi par exemple été réintroduits dans les Cévennes en Mai 2019 dans le cadre du programme Life Gypconnect sur le site Grands Causses de la LPO (Ligue de Protection des Oiseaux). Avec les gypaètes déjà présents dans les Pyrénées, dans les Alpes et en Corse, l’objectif de cette présence dans le Massif Central est de renforcer les effectifs sauvages de ce magnifique rapace en créant une connexion entre les populations.
  • Une introduction bénigne vise à essayer d’établir une espèce dans un habitat adapté mais différent de son aire de répartition connue. Ravagée par des incendies sans précédent en 2019-2020, l’Australie craint pour ses populations de koalas au statut d’espèce déjà ‘Vulnérable’. Une pétition a circulé sur Internet en Janvier 2020 pour proposer d’introduire le petit marsupial en Nouvelle-Zélande où il n’est pas présent, une introduction en théorie possible en terme de climat et d’habitat mais qui menacerait de bouleverser les équilibres de la biodiversité de l’île-pays déjà fragilisés par la présence de diverses espèces invasives (rats, chats sauvages, furets, opossums) prédatrices des espèces d’oiseaux endémiques comme le kiwi. L’UICN, dans ses règles en matière en matière de réintroductions, ne recommande d’envisager ce type de solution de conservation que si l’aire de répartition originelle d’une espèce n’existe plus.
  • Enfin dans le cadre de la colonisation assistée, on introduit des individus dans un milieu favorable nouvellement créé par exemple à la faveur du changement climatique. Très complexe à mettre en œuvre, elle est encore peu appliquée et comme l’introduction bénigne elle peut être le vecteur de bouleversements catastrophiques pour la biodiversité du nouvel habitat.
Abeille © Thomas PIERRE

ESPECES PARAPLUIES, ESPACES CLES DE VOUTE, REWILDING, HOTSPOTS DE BIODIVERSITE

(Photo : Abeille © Thomas PIERRE ; les abeilles sont des espèces clé de voûte, entretenant par leur action de pollinisation un lien unique avec de nombreuses espèces végétales)

  • L’espèce parapluie est une espèce animale dont l’aire de répartition et/ou la niche écologique est assez importante pour que si on la protège efficacement dans son milieu, on améliore alors également par extension la protection de son habitat et donc de toutes les espèces animales et végétales qui y vivent. L’idée est qu’en sauvegardant des espèces fédératrices et populaires auprès du grand public comme le tigre ou le panda (qu'il soit géant et de Chine ou petit et roux), on participe à la protection de leur écosystème et donc celle des autres espèces moins sexy qui y vivent également.
  • A ne pas confondre avec les espèces ‘clés de voûte’, parfois différentes, qui sont ces espèces dont l’impact est fondamental sur leur environnement car liées à un grand nombre d’autres espèces de leur écosystème. On pense aux abeilles, certains insectes (dont 41% des espèces sont aujourd’hui en déclin), aux oiseaux charognards ou encore à la truite fardée, espèce clé de voûte à Yellowstone où elle est supplantée par l'invasive truite grise.
  • Le rewilding ou ré-ensauvagement en français, consiste à réintroduire des espèces (souvent de grands animaux) au rôle important dans des écosystèmes dont elles ont disparu. Par extension il s’agit de créer une sanctuaire naturel sans intervention humaine de gestion ou autre sur le site. Forme de conservation in situ stricte, elle nécessite la combinaison d’un espace suffisant et d’une pression humaine faible.
  • Les hotspots de biodiversité ou points chauds de la biodiversité sont des zones présentant au moins 1.500 espèces endémiques et ayant perdu 70 % de leur territoire originel. On parle également de zones critiques de biodiversité pour ces zones géographiques présentant une grande variété d’espèces animales et végétales. 35 zones de par le monde, les fameux ‘hotspots’, ont été identifiées par les scientifiques comme prioritaires pour mener des actions de conservation (dont la corne de l’Afrique, les îles des Caraïbes, le bassin méditerranéen ou encore l’Himalaya).
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CES ESPECES QUI ONT DISPARU

(Image : Illustration d'un quagga de la ménagerie royale de Versailles en 1793 - Wikimedia Commons - Public Domain)

Le dodo (un gros oiseau pacifique incapable de voler décimé par la chasse et les espèces invasives sur l’île Maurice), le thylacine (un loup marsupial au dos rayé qui vivait dans le Sud Est de l’Australie), le quagga ou couagga (un zèbre des steppes de petite taille qui vivait en Afrique du sud et avait une robe brune rayée de noir à l’avant du corps – tête et encolure - et les pattes et le ventre blanc sur les 2 autres tiers de son corps) et bien d’autres : autant d’espèces animales qui ont disparu de la surface de la planète par la faute de l’homme lors des siècles précédents. Si la volonté de sauver les espèces menacées n’était alors pas encore de mise, les extinctions se poursuivent malgré tout aujourd’hui à un rythme qui va s’accélérant comme l’illustrait encore récemment l’annonce officielle de la disparition du poisson-spatule chinois en Janvier 2020, un géant du fleuve Yang-Tsé qui pouvait atteindre 7 m de long mais qui s’est raréfié en raison de la surpêche et des barrages humains qui ont fini d’isoler ses populations résiduelles.

Un veau de bison d'Amérique tête sa mère © Julien PIERRE

ESPECES SAUVEES : LE CERF DU PERE DAVID, LE BISON D'AMERIQUE, LE VAUTOUR MOINE

(Photo : Bison d'Amérique © Julien PIERRE ; cet animal emblématique des Etats-Unis était au bord de l'extinction à la fin du XIXème siècle)

Si ces exemples sont tragiques et que de nombreuses espèces sont aujourd’hui éteintes, l’histoire de la sauvegarde des espèces menacées d’extinction compte aussi quelques succès dont :

  • Le cerf du Père David (Elaphurus davidianus) : il ne restait plus de ce noble cervidé à la longue queue et à la raie dorsale caractéristiques que quelques individus détenus par un Duc anglais à l’abbaye de Woburn qui les fit se reproduire avec succès. Réintroduits en Chine au Parc Milu au sud de Pékin dans un premier temps, leur population a été renforcée par des apports de plusieurs parcs zoologiques anglais, et des réintroductions de cerfs du Père David ont été menées avec succès dans plusieurs parcs nationaux chinois. La population sauvage compterait maintenant 600 individus répartis en quatre hardes.
  • Le bison d’Amérique (Bison bison) : imaginez que l’Amérique du Nord comptait jusqu’à 100 millions de bisons dans ses grandes plaines avant que cette espèce ne frôle l’extinction à force d’être chassée pour sa viande. D’une population résiduelle de moins de 800 individus en 1890 et grâce aux efforts du Zoo du Bronx notamment qui envoya une population au Parc National de Yellowstone, la population sauvage (au sens strict du terme) de bisons est aujourd’hui estimée à environ 14.000 individus par l’UICN.
  • Le vautour moine (Aegypius monachus) : ce grand rapace (qui peut dépasser les 2,90 m d'envergure !) est un charognard au rôle si important de nettoyeur de la nature. Disparu des paysages français au début du XXème siècle, il y fait son retour dans les Grands Causses avec les premières réintroductions d'individus en 1992 grâce aux actions de la LPO Grands Causses en collaboration avec le Parc national des Cévennes et la Fondation pour la conservation du Vautour moine. Début des années 2000, des actions similaires sont menées pour le retour du vautour moine dans le Verdon et les Alpes du Sud. Sans les réintroductions, ses populations ne sont pour le moment pas encore viables mais la situation du vautour moine, nommé en raison de la calotte sur sa tête qui rappelle la tonsure des moines et sa livrée brune qui rappelle la bure, s'améliore.
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LE VAUTOUR FAUVE, L'ORYX D'ARABIE ET LE TAMARIN LION DORE

(Photo : Tamarin lion doré © Julien PIERRE)

  • Le vautour fauve (Gyps fulvus) : ce grand rapace charognard qui aime vivre en groupe avait presque disparu de France dans les années 1960. Il a été réintroduit à partir de 1981 et on compte plus de 600 couples aujourd’hui dans les massifs de l’Hexagone, principalement dans les Pyrénées (Pyrénées-Atlantiques et Hautes-Pyrénées), le Massif Central (Grands Causses en Lozère et Aveyron) et les Alpes (Baronnies dans la Drôme, le Verdon dans le Var et les Alpes de Hautes Provence).
  • L’oryx d’Arabie (Oryx leucoryx) : éteint à l’état sauvage en 1972, l’espèce fût cependant conservée et reproduite au Zoo de Phoenix aux Etats-Unis pour être ensuite réintroduite avec succès dans la péninsule arabique au point que l’espèce n’est plus considérée que comme ‘Vulnérable’ avec un peu plus de 1.200 individus vivant aujourd’hui à l’état sauvage.
  • Le tamarin lion doré (Leontopithecus rosalia) : ce petit singe d’Amérique du Sud qui ne vit que dans une unique forêt côtière du Brésil a été sauvé grâce à une collaboration concertée entre le WWF, des parcs animaliers et une association brésilienne. Alors qu’on ne comptait plus que 200 individus dans la nature dans les années 70, sa population sauvage se monte aujourd’hui à 1.400 individus toutefois toujours menacés par la pression humaine qui s’exerce sur ce qui leur reste d’habitat.
 Deux magots assis sur une branche à La Montagne des Singes © Julien PIERRE

LE MAGOT, LA GAZELLE DE MHORR ET LE LYNX IBERIQUE

(Photo : Macaques de Barbarie © Julien PIERRE)

  • Le singe magot ou macaque de Barbarie : ce primate est un habitant des forêts de cèdres du moyen Atlas marocain aussi présent en Algérie et sur le rocher de Gibraltar. L'espèce est considérée comme 'En danger', les petits orphelins faisant l'objet de trafic comme animaux de compagnie (ce qui est une très mauvais idée car il devient agressif à l'âge adulte) ! La population mondiale totale de ce singe est estimée à moins de 10.000 individus, dont les populations sauvages ont pu être renforcées dans les années 80 grâce aux réintroductions d'individus menées par des parcs comme la Montagne des Singes et La Forêt des Singes qui participent activement à sa conservation.
  • La gazelle de Mhorr, la plus grande antilope d'Afrique, vit dans les steppes semi-arides qui bordent le Sahara. Chassée à outrance, elle avait disparu à l'état sauvage mais a heureusement fait l'objet d'actions de conservation et de réintroductions menées par des parcs zoologiques en collaboration avec le Maroc.
  • Le lynx ibérique, aussi appelé lynx pardelle, est le plus petit des lynx. Reconnu comme espèce à part entière en 2002, ce beau lynx à l'abondant collier de barbe est endémique de la Péninsule Ibérique. En 2005 il était au bord de l'extinction avec seulement quelques dizaines d'individus survivant entre l'est du Portugal et le sud de l'Espagne. Grâce à un projet de conservation ex situ exemplaire, Life Iberlince, ses populations sauvages connaissent maintenant une embellie avec plus de 300 individus pour ce félin devenu une icône chez nos voisins ibères.
Crédit article : Julien PIERRE

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