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Gros plan sur les araignees de nos maisons et jardins

23 Janvier 2024

(Photo : Une araignée sauteuse, famille des Salticidés © Ghislain BOURQUIN)

Article publié le 10 Juillet 2019 ; mis à jour le 23 Janvier 2024.

TEMPS DE LECTURE : 10 minutes env.

Un dossier complet à lire pour découvrir la vie fascinante des araignées de nos maisons et de nos jardins !

> Et si l'article vous a mis en appétit, venez donc vous frotter à notre Spider-Quiz Anigaïdo, dix questions/réponses pour tester et compléter vos connaissances sur les araignées, et lisez également notre article Anigaïdo consacré aux arachnides et insectes venimeux avec la collaboration de Christine ROLLARD du Muséum National d'histoire Naturelle.

Après vous avoir proposé quelques généralités sur les araignées dans une première partie, nous irons côté jardin pour parler de la pisaure admirable, des thomises (ou araignées-crabes) et des épeires avant de rentrer dans la maison pour y retrouver la tégénaire puis le pholque phalangide avant de terminer ce micro-safari par quelques questions à Ghislain BOURQUIN, notre guide pour cette exploration et l’auteur des fantastiques photos qui illustrent cet article. 

ET SI ON NE FAISAIT QUE 2 CM DE HAUT ?

C’est dans le plus grand secret qu’une équipe de super-savants soviétiques a construit pour Anigaïdo une incroyable machine à rapetisser. Après être passés dans son rayon, nous voici devenus des micronautes de 2 cm de haut, la taille idéale pour partir explorer toute la microfaune qui vit à nos pieds, dans nos maisons et nos jardins. Bienvenue dans une mini-dimension parallèle où chaque plante fait la taille d’un arbre géant et un jardin celle d’un continent. Equipés de scaphandres protecteurs et voyageant dans une bulle mobile blindée, nous embarquons avec Ghislain, grand féru d’insectes et de macrophotographie, pour un safari extraordinaire au royaume des petites bêtes. Notre première mission ? Aller à la rencontre des araignées qui vivent dans nos jardins et nos maisons. Brrr…

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QUELQUES GENERALITES SUR LES ARAIGNEES POUR COMMENCER

(Illustration : schéma simple de présentation d’une araignée – Photo © Ghislain BOURQUIN)

Le temps du voyage jusqu’à notre première rencontre, nous avons le temps de potasser un peu nos connaissances.

Qu’est-ce qu’une araignée ? Les araignées (ainsi que les scorpions, les opilions – ou ‘faucheurs’ – et les acariens) sont des arachnides, une classe d’arthropodes terrestres ou aquatiques distincte de celle des insectes.

Le corps des araignées se compose de deux parties. La partie avant s’appelle le céphalothorax et regroupe tête et thorax. Y sont regroupés la bouche, les chélicères, les pédipalpes, les 4 paires de pattes articulées et les 6 ou 8 petits yeux (selon l’espèce) qui voient (souvent) mal ainsi que le système nerveux.

Les chélicères, ce sont deux crochets verticaux situés de chaque côté de la bouche et qui remplissent de nombreuses fonctions pour les araignées : inoculer le venin pour les espèces venimeuses, mordre, traîner une proie, transporter des œufs voire cracher de la soie (famille des Scytodidés ,les 'araignées cracheuses' qui peuvent projeter des boules de soie gluante et venimeuse à plus de 100 km/h !).

Quant aux pédipalpes, c’est une paire de ‘mini-pattes’ situées à l’avant du corps (même si leur taille dépasse parfois la taille de leurs pattes comme chez les redoutables solifuges des régions tropicales). De taille variable selon l’espèce, ils se situent entre les chélicères et la première paire de pattes avant. Ce sont des organes sensoriels multifonctions chez les araignées qui les utilisent pour goûter, toucher, saisir des choses voire mastiquer (d’où leur nom de ‘pattes mâchoires’ car ils sont l’équivalent arachnéen des mandibules des insectes). Fait unique dans le règne animal, ils servent aussi d’organe reproducteur pour les mâles, que l’on reconnaît facilement à leurs ‘gants de boxe’, les pédipalpes des messieurs se terminant par un bulbe.

La partie arrière s’appelle l’abdomen. Souvent proéminent, il est essentiel pour les araignées puisqu’il est le siège de leurs organes vitaux (poumons, cœur,…), qu’il leur sert à respirer (‘par là où elles pètent !’ comme nous le signale Ghislain) et produire de la toile grâce à leurs glandes filaires dites ‘sérigènes’. Toutes les araignées n’utilisent cependant pas leurs glandes filaires pour faire des toiles, certaines les utilisent pour voler, d'autres comme filin de sécurité ou d'autres encore seulement pour emballer leurs oeufs.

ALIMENTATION ET REPRODUCTION CHEZ LES ARAIGNEES

(Vidéo : Des araignées dangereuses en France ? - source : notre-planete.info sur Youtube)

Les arachnides ont une manière particulière de se nourrir : ils injectent à leurs proies du venin (pour ceux qui en ont) puis un suc digestif qui va pré-digérer la victime avant de siphonner l’insecte et n’en laisser que son exosquelette vidé.

A ce sujet, rappelons que la majorité des araignées qui vivent sous nos latitudes ont des chélicères trop faibles pour percer la peau d’un humain et qu’un nombre infime d’espèces d’araignées sont réellement dangereuses pour l’homme : sur environ 47.000 espèces d’araignées dans le monde, seule une quinzaine présentent un réel danger pour citer Christine ROLLARD, éminente arachnologue française qui s’exprimait dans un article du Monde de Février 2019 et qu'Anigaïdo a d'ailleurs eu la chance d'interviewer directement en Avril 2021 pour notre article sur les insectes, myriapodes et arachnides venimeux. On pense notamment à la veuve noire d’Australie (dont la version européenne appelée malmignatte peut être aperçue dans l’Hérault et sur le bassin méditerranéen mais dont la morsure, pour douloureuse qu’elle soit, n’est pas mortelle), à « l’araignée-banane » (Phoneutria nigriventer, une araignée sud américaine au venin puissant parfois retrouvée accidentellement dans des caisses de bananes importées), à la mygale Atrax Robustus (australienne également – voir notre dossier sur les mygales) ou à la recluse brune (Loxosceles reclusa) d’Amérique du Nord, dont la morsure peut être extrêmement douloureuse et le venin très corrosif.

Chez les araignées, c’est souvent le mâle qui vient courtiser la femelle sur sa toile avec une parade nuptiale propre à chaque espèce – par exemple tambouriner sur sa toile de façon régulière avec ses pédipalpes pour lui signaler qu’il n’est pas une proie. Il finit par être parfois dévoré ou pas, non sans avoir pu implanter son sperme (qu’il a préalablement déposé dans une toile spermatique) à l'aide de ses pédipalpes dans la fente génitale de la femelle (un pli épigastrique situé sur l’abdomen). Précisons quand même que dans la majorité des cas chez les araignées, le mâle n’arrive pas là par hasard : la femelle a ‘parfumé’ sa toile avec des phéromones, histoire d’attirer ces messieurs…

Dernier point : les araignées existent en grand nombre sur Terre, représentent une biomasse énorme et jouent un rôle clé de régulateur majeur des populations d’insectes.

Réduits à la taille d’insectes justement, nous survolons un jardin avant de ralentir et nous poser au sol où Ghislain vient de repérer notre premier sujet…

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LA PISAURE ADMIRABLE : ATTRAPE-MOI SI TU PEUX !

(Photo : Pisaure admirable mâle © Ghislain BOURQUIN)

Courant sur le sol à la recherche d’une proie qu’elle chasse à la course, c’est un mâle pisaure admirable (Pisaura Miarbilis) qui heureusement ne nous a pas vus. Il finit par se poser sur une feuille, nous laissant tout loisir de l’observer. La famille des Pisauridés, regroupant les pisaures et les dolomèdes, compte environ 550 espèces qui vivent sur le sol, les eaux stagnantes ou encore les plantes aquatiques. On les appelle également araignées à œufs ou araignées patineuses.

Grisâtres ou brunâtres avec des longues pattes qui les font ressembler à la famille des Lycosidés (les araignées-loups), ce sont des araignées sveltes avec une ligne claire qui court le long du céphalothorax et un abdomen orné de marques dans la longueur. Pisaure admirable est une araignée européenne très courante d’Avril à la fin de l’été que l’on trouve dans les parcs, jardins et prairies. Son corps (céphalothorax + abdomen) mesure de 10 à 15 mm, le mâle est plus petit que la femelle.

Peut-être le mâle que nous observons est-il en quête d’une proie à offrir à une femelle ? Son stratagème est simple : offrir la proie en présent à la belle et lui faire son affaire pendant que Madame déguste l’offrande – et, si il est un peu agile, lui reprendre dès qu'il a fini – à moins que la femelle ne le préfère à son cadeau auquel cas c’est lui qu’elle dévorera. C'est la seule de son genre en France et c'est la plus facile à reconnaitre de par sa très large répartition, sa forme et ses improbables rouflaquettes à la Elvis.

Une femelle d'araignée pisaure admirable protégeant ses oeufs

MAMAN PISAURE, UNE MERE ADMIRABLE

(Photo : une femelle Pisaure et ses œufs © Ghislain BOURQUIN)

Mais au fait, pourquoi est-elle ‘admirable’ ? C'est que la femelle est une mère très attentive qui emballe sa progéniture dans une délicate pouponnière en forme de cloche à la fin du printemps. Elle se laisse ensuite lentement dépérir en cessant de s'alimenter, ce qui, selon une vue prônant le sacrifice, renforce son admirabilité.

Ah, le mâle semble nous avoir repérés et commence à courir vers notre bulle ! Il est temps de nous envoler vers notre prochain sujet.

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THOMISES, LES ARAIGNEES-CRABES

(Photo : Misumena, araignée aranéomorphe de la famille des Thomisidae © Ghislain BOURQUIN)

Les thomises (familles des Thomisidés) sont aussi appelées araignées-crabes car elles se déplacent à l’oblique et ont un corps trapu avec un céphalothorax circulaire et un abdomen court et élargi à l’arrière. Il en existe environ 2.500 espèces dans le monde, qui apprécient les prairies et jardins. Elles aiment notamment se poster sur des fleurs ou sur l’écorce des arbres. Là elles se placent en embuscade, profitant de leurs jolies couleurs (blanc, rose, jaune…) pour se confondre avec les fleurs et jaillir sur l’insecte imprudent en le saisissant avec leurs deux premières paires de pattes plus longues et épineuses. Téméraires, elles n’hésitent pas à s’attaquer à des proies plus grosses qu’elles (elles ne mesurent que 4 à 14 mm de long – corps uniquement) car leur venin est assez puissant pour tuer une abeille ou un papillon.

Une araignée Xysticus ulmi en gros plan

XYSTICUS ULMI LA BAGARREUSE

(Photo : Xysticus ulmi © Ghislain BOURQUIN)

Concernant Xysticus ulmi que nous avons maintenant en face de nous, on la reconnaît aux deux bandes sombres longitudinales sur son cépahlothorax et la bande blanche sur son abdomen. Ghislain nous précise que contrairement aux autres membres de sa famille, méfiants, elle est plutôt facile à photographier. A l'instar de ses soeurs elle voit très bien et c'est toujours elle qui vous voit en premier, mais elle est plutôt belliqueuse et offre souvent une danse de non-bienvenue qui lui confèrerait aisément une place chez les All Blacks. Elle aime beaucoup les orties en début d'année, puis toute graminée qui pourrait lui offrir une tour d'ivoire où attendre ses proies.

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EPEIRES ET ARGIOPES, GRANDES TISSEUSES DEVANT L’ETERNEL

(Photo : Une Epeire des Ponts en train de produire une pelote de déjections © Ghislain BOURQUIN) 

Les épeires et les argiopes forment la famille des Aranéidés. On compte 4.000 espèces dans le monde qui fréquentent prairies, jardins, bois ou forêts. Elle sont connues pour leurs toiles circulaires très solides en fil de soie et qui leur servent à attraper les proies qu’elles se dépêchent d’emmailloter, détacher puis qu’elles emmènent pour les consommer.

Elles sont de taille et de forme variables, de 0,2 à 4,6 cm de long (corps) selon l’espèce avec des femelles beaucoup plus grosses que les mâles. Elles ont souvent un céphalothorax poilu et un abdomen coloré et orné de dessin (une croix bien visible pour la célèbre épeire diadème de nos jardins aussi appelée araignée porte-croix). Leurs pattes crantées se terminent par 3 griffes en forme de peigne.

Mentionnons les néphiles, un genre d’araignées de la famille des aranéidés présentes en Asie, Océanie, Afrique et Amérique, qui font les plus grandes toiles du monde - souvent si solides qu’elle peuvent servir de fil de pêche pour certaines tribus de Papouasie-Nouvelle Guinée ou utilisées pour tisser des vêtements à Madagascar !

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L'EPEIRE CONCOMBRE QUI CHANGE DE COULEUR

(Photo : Une épeire concombre © Ghislain BOURQUIN)

Ghislain attire mon attention sur une araignée d’un très joli vert qui trône au milieu de sa toile à quelques cm de nous, une grosse femelle d’araignée courge aussi appelée épeire concombre (Araniella cucurbitina). Il la connaît bien et me signale qu’elle est extrêmement courante et qu’elle a la particularité de changer complètement de couleur, un peu comme les petites voitures hot wheels colour shifters ou les candidats à la présidentielle de 2017.

Correctif de Richard Louvigny via Facebook en Janvier 2024 au sujet du changement de couleur des épeires concombres dont nous avions écrit (à tort) qu'elles changeaient de couleur selon leur milieu : "ces araignées changent de couleurs au fil des saisons, elles naissent couleurs des feuilles rouilles en automne et évoluent jusqu'à devenir vert-fluo au printemps ! Mais elles ne changent pas de couleur "en fonction de leur milieu"... Seules les araignées crabes (Misumena et Thomisus) changent de couleurs en fonction du substrat (Homochromie adaptive) !".

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OH MON DIEU, UNE ARAIGNEE DANS LA DOUCHE ? VOICI LA TEGENAIRE !

(Photo : Tégénaire - Tegenaria domestica - Arcaion - Pixabay - CC0)

On change maintenant d’univers et notre bulle volante glisse à l’intérieur d’une maison humaine. Direction la cuisine où notre prochaine invitée la tégénaire fait parfois des apparitions remarquées.

Bingo ! En voilà une bien costaude en train de se promener. C’est sans doute qu’elle est affamée car elle ne quitte qu’à regret sa toile en plate-forme horizontale qu’elle refait chaque jour avec un tunnel où elle se cache la plupart du temps.

On compte 700 espèces dans la famille des Agelenidés qui comprend les agélènes et donc les tégénaires. Habitations humaines, prairies, jardins, broussailles, sur les pierres ou les murs : chaque espèce à ses préférences.

Les tégénaires, ce sont les ‘araignées de maison’. Très rapides, elles ont des très longues pattes velues, un corps couvert de poils, des motifs sur le thorax et l’abdomen et peuvent atteindre 8 cm d’envergure. Et comme vous en avez forcément déjà croisé une dans votre vie (ou sa cousine Tegenaria gigantea qui préfère les salles de bain), sachez que ces araignées sont totalement inoffensives et probablement encore plus effrayées que vous car elles sont craintives, dociles et ne s’attaquent jamais à une proie plus grande qu’elles !

Ghislain nous précise que la tégénaire est la plus grosse araignée de France. Elle aime vivre très près de nous, mais en bonne voisine, est très discrète sauf lorsque l'exploration d'une baignoire ou d'un évier s'est soldée par l'emprisonnement. Elle a un appétit gargantuesque et fait de votre demeure un endroit sans moucherons : elle ne mérite donc pas votre mépris ni vos coups de balais. De surcroît, elle est nocturne et passe la journée cachée dans un calme de stade olympique.

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LE PHOLQUE PHALANGIDE : IL FERA VIBRER VOTRE CORDE SENSIBLE

(Photo : Un pholque phalangide © Ghislain BOURQUIN)

Dernier arrêt pour notre safari arachnéen du jour, et toujours dans la maison, nous retrouvons le pholque phalangide dans un recoin chauffé de la maison. Il existe environ 350 espèces de Folcus très similaires qui vivent dans les grottes, débris végétaux et coins sombres. Ils n’aiment pas le froid et apprécient les parties chauffées des habitations. Il a de longues pattes claires bien plus longues que le corps, un aspect grêle et son corps mesure de 3 à 14 mm de long avec un long abdomen et un cephalothorax petit et circulaire.

Ghislain prend la parole pour nous parler ce dernier invité qui est un petit peu son chouchou et nous dit : "le Folcus vit dans votre maison. Il est maigre, livide, a un pas hésitant et un rapide coup d’oeil à sa toile fait penser à une partie de mikados géante qui n'a jamais commencé et prouve rapidement que le respect de la géométrie euclidienne ne fait pas partie de ses préoccupations de constructeur. Bien que son venin soit l'un des plus efficaces des araignées de France et de Navarre, il en a trop peu, n'est pas belliqueux pour un sou et n'a pour parade que la fuite ou le déguisement en… rien ! En effet, lorsqu'on trouble sa quiétude en s'approchant de sa toile il se met à exécuter une série de rotations rapide sur l'axe de ses pattes comme s'il faisait du hula hoop imaginaire ; cette danse singulière vise à rendre son corps flou aux yeux de ses prédateurs qui sont principalement les autres araignées, les balais et les aspirateurs."

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CINQ QUESTIONS A GHISLAIN BOURQUIN, PASSIONNE DE MACROPHOTOGRAPHIE

(Photo : La face en gros plan d’Araneus quadratus, l'épeire carrée © Ghislain BOURQUIN)

Ghislain BOURQUIN est photographe et vidéaste impliqué dans divers projets artistiques. Il a notamment un goût prononcé (et un réel talent) pour ce que l’on appelle la photo macro. Le voici pris dans la toile de nos questions !

Interview :

Bonjour Ghislain, tout d’abord d’où te vient cette passion des petites bêtes ?

Ghislain BOURQUIN : Bonjour Julien, je crois que le premier déclic vient de La Guerre des Etoiles : j'ai vu l'épisode IV très jeune et la scène dans le bar à Mos Esley qui présente une variété incroyable d'êtres complètements différents m'a subjuguée. Je retrouve la sensation d'un monde extrêmement vaste, riche et varié plein de surprises et de découvertes dans le monde miniature terrestre. J'aimais, profitant d'une enfance rurale, passer de longues journées en nature avec mon frère et quelques livres sur les insectes qu'on apprenait relativement vite par coeur. C'est un monde épique, d'une grande beauté, sans politique, ni méchants ni gentils, juste des dévorants et des dévorés, un échange de matière constant, des êtres fidèles à leur nature et ayant une fonction dans un système naturel.

Tu arrives à rendre expressive cette faune miniature et (en tout cas pour les araignées) souvent mal aimée. Comment tu t’y prends pour réaliser ces photos ? Que cherches-tu à mettre en valeur ?

GB : La base pour moi, c'est de prendre le temps ; on peut préparer l'image que l'on veut prendre en observant longuement le comportement du sujet. Au passage on en apprend beaucoup sur les positions qu'il prend, pourquoi et à quel moment, les plantes sur lesquels il vit, les conditions climatiques qui modulent son comportement, son rapport avec les autres espèces, etc. En plus de faire progresser ma compréhension de cet univers et des relations que nouent les être en eux, cela me permet de penser, cibler, construire mon image avant de la réaliser. Avant je shootais tout ce que je trouvais avidement parce c'est dur la macro et on a beaucoup de "perte" (photos prises qui ne sont pas utilisables ou qui sont banales). Je cherche à mettre en valeur une attitude naturelle du sujet qui à mon goût provoque une émotion chez le spectateur.

Une bonne photo d’insecte (ou d’arachnide) pour toi, c’est quoi ?

GB : J'ai du mal à définir cela… Pour les photos que je présente, c'est le piqué, la pertinence du cadrage et la mise en lumière avant tout. Mais j'aime également des photos qui ne correspondent pas forcément à ces critères, j'aime bien sentir la patte du photographe, dans le cadrage et la post production, ce qui rend à mon goût l'image unique et solennelle.

Y a t’il des espèces que tu apprécies particulièrement, des chouchous ?

GB : Non pas vraiment, j'ai du mal à avoir une préférence… J'aime beaucoup les thomises, les opilions, les guêpes, les lycoses et les Saltices mais surtout parce que les êtres qui sont à la fois proies et prédateurs ont des comportements plus variés. J'aime la mise en difficulté, j'ai la fâcheuse tendance à préférer passer 2 h à ne pas réussir à photographier une libellule en vol que 30 secondes à réussir une photo de limace. 

Quel est le matériel photo que tu utilises pour réaliser tes photos ?

GB : J'utilise un appareil plein format dont j'aime le détail et la finesse, mon set d'objectifs et de flashes a beaucoup changé depuis que j'ai commencé. Au départ, j'utilisais un 50 mm vintage avec une bague reverse (une bague qui permet d'utiliser l'objectif à l'envers, et donc de le transformer en loupe), puis je suis passé aux bagues allongées avec un 50 mm plus récent. Enfin j'ai investi dans un objectif spécifique, le MPE-65 qui va jusqu’au rapport 5:5 (le grossissement est de 5x) et plus encore avec des bagues ainsi qu'un 70-200 F2,8 que j'utilise pour la proxy avec bagues allonge et doubleur. Ma manière d'apporter de la lumière à la scène a beaucoup évolué également ; j'ai commencé avec rien, puis un flash annulaire, puis je suis resté longtemps avec deux flashes cobras (un monté sur l'appareil et l'autre tenu à la main) avec des grandes softboxes diverses de ma fabrication. J'utilise toujours ce système en parallèle avec un flash macro dédié (avec deux petits flashes orientables près de l'objectif) et des mini-réflecteurs faits maisons. Les deux derniers systèmes me permettent de vraiment travailler comme si j'avais un micro studio photo sur moi et d'avoir une grande flexibilité dans la prise de vue et un choix très large d'exposition.

 

Ghislain BOURQUIN a également créé son activité au service des entreprises et des particuliers pour les aider à concrétiser tout type de projet en matière de communication publicitaire ou projets plus personnels.

Voir ses sites :

bequietanddrive.fr

bestioleprod.com

Crédit article : © Ghislain BOURQUIN & Julien PIERRE

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