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Méduses © Julien PIERRE

Les animaux venimeux #1 : meduses, pieuvre, poissons, oiseaux et mammiferes

15 Août 2020

(Photo : Méduses © Julien PIERRE)

La nature a doté certaines espèces animales d’un pouvoir étonnant : celui de sécréter une substance toxique, le venin, qu’elles vont pouvoir inoculer par morsure, piqûre ou même par simple contact ! Qu’il s’agisse d’un mécanisme de défense ou au contraire d’une arme offensive pour paralyser voire tuer ses proies ou ses adversaires, pas de doute, le venin est bien un poison redoutable aux effets variés que certaines espèces animales ont la capacité de produire grâce à des glandes dédiées.

Après avoir présenté ce qu’est le venin et ses effets, nous vous proposons dans ce premier volet de découvrir des espèces les plus venimeuses parmi les invertébrés (redoutables méduses-boîtes, dangereuse pieuvre à anneaux bleus) et les poissons (dont une espèce de requin venimeux !) mais aussi des espèces d’oiseaux venimeux de Nouvelle-Guinée et même des mammifères venimeux (des musaraignes, la taupe et même des primates !).

Pour découvrir d'autres animaux venimeux, vous pouvez également lire nos articles sur les amphibiens et reptiles venimeux ainsi que celui sur les insectes, myriapodes et arachnides venimeux.

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QU’EST-CE QUE LE VENIN ?

(Photo : Cobra © Alain PLATEL)

Certains animaux sont dotés d’organes, en général des glandes spécialisées, qui produisent du venin, une substance liquide et toxique qui se compose d’un cocktail de protéines et d’enzymes (car le venin était sans doute au départ appelé à faciliter la digestion, ce qui est encore le cas chez les araignées par exemple). L’animal va inoculer ce poison dans l’organisme de sa cible par piqûre (avec un dard), morsure (avec ses crochets ou ses dents), par le contact (avec ses piquants, ses poils urticants ou sa peau) ou lorsqu’il est ingéré par son prédateur (le venin, contenu dans l’organisme de la victime, va empoisonner celui qui la dévore).

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VENENEUX OU VENIMEUX ? LE DEBAT EST OUVERT

(Photo : Varan de Komodo © Julien PIERRE)

Pas évident de faire la distinction entre venimeux et vénéneux, deux termes aux sens très proches. Venenum signifiant poison en latin, on parle de vénéneux pour qualifier les plantes, champignons et animaux qui contiennent des toxines mais n’ont pas la capacité à l’inoculer ‘volontairement’, une notion quand même un poil ambiguë. Appliquée au fugu, ce célèbre poisson très prisé dans la cuisine japonaise (et que seuls des maîtres ont la capacité à préparer), on peut le qualifier de vénéneux car ce sont certains de ses organes qui, lorsqu’il meurt, vont libérer un poison mortel dans son organisme. Ca se complique quand on parle des méduses (quid de leur ‘volonté’ d’inoculer leur venin ?), des dendrobates (ces petites grenouilles très colorées d’Amérique du Sud dont la peau sécrète une substance redoutable, la batrachotoxine) ou du varan de Komodo, dont la bouche est un sympathique bain contenant plus de 50 bactéries qui rendent sa morsure mortelle, mais dont on s'est longtemps demandé si il possédait également des glandes qui produiraient du venin - ce qui, aux dernières découvertes relayées par Futura Sciences, serait bien le cas !

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LES ACTIONS DU VENIN

(Photo : Vipère à cornes © Julien PIERRE ; les vipéridés produisent un venin hémotoxique)

Le venin est un cocktail de toxines aux effets divers et dont la composition est propre à chaque espèce. Par commodité, on peut les regrouper en quatre catégories selon leur action principale sur l’organisme de la victime.

  • Le venin hémotoxique cible certaines cellules dans le sang et des protéines qui agissent dans la coagulation. Il a pour effet de provoquer des caillots ou au contraire de faire s’écouler le sang s’écoule hors des vaisseaux sanguins (hémorragie interne).
  • Le venin cytotoxique contient des enzymes capables de digérer les tissus. Son action est de tuer les cellules autour de la morsure, ce qui entraîne une nécrose (= mort de la matière vivante). 
  • Le venin neurotoxique s’attaque au système nerveux et perturbe la transmission de l’influx nerveux au cerveau. Il entraîne paralysie musculaire, insuffisance respiratoire, asphyxie
  • Enfin le venin protéolytique est un mélange des trois venins qui découpe les protéines en petits morceaux, et dont l’action est une combinaison des effets hémos, cytos et neuros précités.
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COMMENT FABRIQUE T’ON LES ANTI-VENINS ?

(Photo : Atrax robustus, la mygale australienne - Wikimedia Commons - Sputniktilt - CC BY-SA 3.0 - derivative work Julien PIERRE (cropping))

C’est Albert CALMETTE, médecin bactériologiste français célèbre pour son vaccin contre la tuberculose, qui à la fin du XIXème siècle fut le premier à créer un sérum anti-venin.

Pour créer ces sérums, le principe est d’injecter une dose de venin dilué à un animal puis on  récupère les anticorps sécrétés par celui-ci, qui vont constituer la base du sérum anti-venimeux. Si le cheval est l’animal le plus utilisé en la matière, d’autres animaux ont parfois aussi été utilisés comme le lapin, dont les anticorps entrent dans la composition du sérum permettant de lutter contre le venin mortel de la redoutable araignée Atrax robustus d’Australie.

Ces sérums antivenimeux, qui vont capter les toxines du venin, sont à administrer par voie veineuse le plus vite possible après la morsure ou la piqûre – si celle-ci a inoculé du venin, ce qui n’est pas systématique, car les serpents par exemple n’injectent pas forcément du venin quand ils mordent (on parle de « morsure sèche »).

Par leur action ciblée et spécialisée sur certaines protéines, les venins présentent également un grand intérêt pour la recherche dans la lutte contre certaines maladies comme Alzheimer. Enfin, et nous en reparlerons dans le volet dédié aux insectes venimeux, certaines médecines parallèles vont aussi utiliser des propriétés des venins pour soigner divers maux.

LES INVERTEBRES VENIMEUX : MEDUSES, ANEMONES, OURSINS ET PIEUVRE

(Vidéo : Les méduses-boîtes - Chaîne National Geographic Wild France sur Youtube)

On trouve une grande variété d’animaux venimeux parmi les organismes les moins complexes du règne animal, qu’on peut regrouper dans la catégorie un peu fourre-tout des Invertébrés*.

Ainsi un grand nombre d’invertébrés marins ont la capacité de produire du venin : certains oursins et étoiles de mer, les anémones de mer qui utilisent le venin neurotoxique de leurs tentacules pour immobiliser les proies qui passeraient à proximité, et des limaces de mer comme le flamboyant dragon bleu, un mollusque gastéropode redoutablement venimeux qui stocke le venin de ses proies favorites pour son propre usage dissuasif. A l’instar du dragon bleu et quel que soit leur degré d’évolution, les espèces animales qui produisent du venin à fin de défense contre les prédateurs arborent souvent des couleurs flashy qui annoncent clairement ‘si vous me mangez, vous allez le regretter amèrement’ !

Si elles ne sont pas nécessairement colorées mais plutôt translucides et de tailles variables, la plupart des méduses sont venimeuses : leurs tentacules flottent au grès des courants et sont équipés en réalité de petits crochets qui inoculent un venin fatal aux organismes et poissons qui ont le malheur se prendre dans leurs filets. Et là, un petit stop par l’Australie (pays qui possède le record mondial du nombre des espèces d'animaux venimeux !) s’impose pour parler de la cuboméduse d’Australie, un des animaux les plus venimeux au monde !

*Etant précisé que les insectes, arachnides et myriapodes venimeux sont des invertébrés que nous traiterons cependant dans un article dédié.

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LA CUBOMEDUSE D’AUSTRALIE, LA MAIN DE LA MORT

(Photo : Cuboméduse d'Australie - Wikimedia Commons - Guido Gautsch - CC BY-SA 2.0 - Derivative work Julien PIERRE (cropping))

La cuboméduse d’Australie, aussi appelée « méduse-boîte » (même si ce terme désigne en réalité plusieurs espèces), « guêpe de mer » ou « main de la mort » vit dans les moyennes profondeurs des eaux du littoral australien. Avec son venin fulgurant, elle fait partie des animaux les plus dangereux au monde. Catégorisée parmi les créatures les plus venimeuses, la méduse-boîte a causé plus de 5.500 morts depuis les années 1950. Son venin peut provoquer la mort en quelques minutes, ne laissant aucune chance de survie à moins d’être traité très rapidement. Ses toxines s’attaquent au système nerveux, au coeur ainsi qu’aux cellules de la peau. Avec sa transparence et sa petite taille, elle est d’autant plus dangereuse pour les baigneurs qu’on la distingue à peine, et l’Australie a du investir dans des filets au maillage très serré pour protéger les plaisanciers des plages où sévit la ‘main de la mort’ !

LA PIEUVRE ANNELEE AU VENIN MORTEL

(Vidéo : La pieuvre à anneaux bleus - Chaîne : National Geographic Wild France sur Youtube)

Les céphalopodes, qui appartiennent à l’embranchement des mollusques, sont les plus gros, les plus rapides et les plus évolués des invertébrés. Ils font même figure d’intrus (dont on se demande parfois si ils ne viennent pas d’une autre planète !) tant certains d’entre eux, les pieuvres notamment, détonnent par leur intelligence par rapport aux autres invertébrés.

Et parmi les quelques 800 espèces de céphalopodes, il en est une, que l’on trouve dans les récifs coralliens des océans Indien et Pacifique, qu’il vaut mieux éviter ! La pieuvre annelée Hapalochlaena maculosa n’a beau mesurer qu’une dizaine de cm, elle sécrète un venin neurotoxique hyper puissant qui contient de la tétrodotoxine, le même poison que les fugus et les poissons tétraodons. Celui-ci est présent dans sa salive et peut, en cas de morsure, provoquer une grave détresse respiratoire et bloquer la respiration d’un être humain en quelques minutes ! Ses anneaux bleus, qui apparaissent sur sa peau quand elle est stressée ou se sent menacée, envoient un signal clair : ne pas s’approcher !

Lire aussi sur Anigaïdo : Pieuvre, l'étrange créature des fonds marins

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LES POISSONS : RAIES, VIVES, FUGU, POISSONS-SCORPIONS ET REQUIN VENIMEUX

(Photo : Rascasse volante © Fanny GOUMARD)

Chez les poissons, qu’ils soient cartilagineux (requins, raies et pastenagues) ou osseux, on trouve des espèces venimeuses qui utilisent leur poison avant tout pour se défendre et dissuader les prédateurs de les attaquer.

Ainsi chez les poissons cartilagineux, la queue de certaines espèces de raies comme la raie motoro est équipée de un à trois aiguillons reliés à une glande produisant un venin neurotoxique, dispositif qu’elles n’utilisent que pour se défendre.

Plus surprenant, il existe au moins une espèce de requin venimeux : l’aiguillat commun (Squalus acanthias), un petit requin au statut ‘Vulnérable’ qui évolue dans les eaux côtières autour de 15°C. Espèce fragile notamment parce qu’il a une période de gestation de… deux années (la plus longue chez les requins, qui ne sont déjà pas gâtés en la matière), il possède un aiguillon à l’avant de chacune de ses deux dorsales, qui peut occasionner des sérieuses blessures et inoculer du venin. Comme chez les raies et les autres poissons, il s’agit là encore d’une arme uniquement défensive pour se protéger de ses prédateurs.

Chez les poissons osseux, on trouve également quelques espèces venimeuses :

  • Les tétraodons – dont le fugu – (sans piquants) et les diodons (avec piquants, les poissons porcs-épics), deux groupes de poissons qui gonflent lorsqu’ils sont stressés et sont toxiques lorsqu’on les consomme ;
  • Le poisson-chat rayé, qui a des aiguillons venimeux à chacune de ses nageoires ;
  • Les vives, qui s’enfouissent dans le sable en ne laissant dépasser que leur redoutable épine dorsale venimeuse ;
  • La vorace rascasse volante, ou poisson lion, aux nombreuses et redoutables épines gorgées de venin neurotoxique.
  • Le très moche et patibulaire poisson-pierre, un des poissons les plus venimeux au monde.
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LE POISSON-PIERRE, UN DES PLUS VENIMEUX AU MONDE

(Photo : Poisson-pierre @ Julien PIERRE) ; Où est Charlie le poisson-pierre ? Indice : on voit bien un de ses yeux !)

Faisant partie de la famille des poissons scorpions comme la rascasse volante, le poisson-pierre, redoutable prédateur à la bouche immense, est réputé pour être le poisson le plus venimeux au monde. Il présente un incroyable mimétisme homotypique et se confond parfaitement avec les roches (voir la photo ci-dessus pour preuve !), d’où son nom de poisson-pierre. Avec ses 13 épines dorsales reliées à sa glande de venin, il fait partie des animaux les plus dangereux pour l’homme. Sa piqûre peut provoquer une perte de conscience et parfois même un arrêt cardiaque.

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OISEAUX ET MAMMIFERES VENIMEUX : PITOHUIS, TAUPE, MUSARAIGNE, ORNITHORYNQUE ET LORIS

(Photo : Ornithorynque © Julien PIERRE)

Pour clore ce premier dossier consacré aux animaux venimeux, intéressons nous aux oiseaux et aux mammifères, deux classes d’animaux vertébrés au sein desquelles on trouve très peu d’espèces venimeuses… mais il y en a quand même !

C’est sur la grande île de Nouvelle-Guinée dans le Pacifique, dont les denses et mystérieuses forêts abritent de nombreuses espèces d’oiseaux merveilleux, que l’on trouve les cinq espèces d’oiseaux venimeux identifiées à ce jour : il s’agit de quatre espèces du genre Pitohui, des passereaux colorés aux couleurs remarquables, et l’Ifrita de Kowald, appartenant également à l’ordre des passereaux. En se nourrissant de scarabées de l’ordre des Choresine, ils en synthétiseraient la substance toxique (la batrachotoxine, comme chez les grenouilles dendrobates) que l’on retrouve ensuite dans leur plumage et sur leur peau, les rendant impropres à la consommation pour les prédateurs.

Chez les mammifères et à deux exceptions près (l’ornithorynque, qui d’autre ? mais aussi l'échidné), les rares espèces venimeuses le sont toutes par leur salive. Qu’il s’agisse de notre bonne vieille taupe européenne, des trois espèces de musaraignes venimeuses (la grande musaraigne à queue courte (Blarina brevicauda), la musaraigne de Caroline (Blarina carolinensis) et la musaraigne aquatique (Neomys fodiens), aussi appelée crossope aquatique), ou des deux espèces de solénodons (petits mammifères insectivores très menacés au long museau mobile que l’on trouve respectivement à Cuba et en Haïti), ces animaux insectivores sécrètent une salive toxique qui paralyse leurs proies et infligent de dangereuses morsures défensives à leurs prédateurs. Dans le cas de l’ornithorynque, le mâle possède des aiguillons sur ses pattes arrières qui sont reliés à des glandes à venin, une arme qu'il utilise surtout pour se battre avec les autres mâles.

LE LORIS, UN PRIMATE A LA SALIVE VENIMEUSE

(Vidéo : Trafic d'animaux : la souffrance des loris ; Chaîne : Brut sur Youtube)

Parmi les mammifères venimeux, on trouve aussi des petits primates arboricoles et nocturnes aux grands yeux, les mignons loris. Parmi la dizaine d’espèces existantes, au moins deux d’entre elles, le loris grêle (Loris tardigradus), espèce ‘En danger’ qui mesure 25 cm de long et ne vit qu’au Sri Lanka, et le loris lent (Nycticebus coucang), espèce également ‘En danger’ de 40 cm de long qui vit Malaisie et en Indonésie, disposent de glandes sous leurs aisselles sécrétant une substance toxique. Ils lèchent leurs bras pour mélanger celle-ci avec leur salive, leur morsure devenant alors une arme d’attaque pour immobiliser les insectes dont ils se nourrissent et une arme défensive face aux prédateurs.

Ces animaux fragiles et émotifs, dont les populations sauvages diminuent déjà drastiquement en raison de la déforestation qui ravage leurs jungles en Asie du Sud-Est, sont également braconnés pour être revendus comme animaux de compagnie depuis qu’une série de vidéos ‘mignonnes’ a fait le buzz sur la Toile... Ne cautionnez pas, ne likez pas SVP !

Cet article vous a plu ? N'hésitez pas à lire notre seconde partie consacrée cette fois aux amphibiens, reptiles et serpents venimeux.

Crédit article : Nina DHAINAUT & Julien PIERRE

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