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Le renard est-il dangereux ? portrait, comportements et symbolique du goupil

20 Juin 2022

(Photo : Renard roux © Thomas PIERRE)

S’il est un animal qui possède une place à part dans notre faune et notre imaginaire, c’est bien le renard. A la fois si commun et si mystérieux, sa ruse fut célébrée par Jean de la Fontaine dans sa célèbre fable à base de flatteries et de fromage où l’ingénieux goupil parvenait à force d’éloges à détrousser un corbeau (pourtant pas le plus bête des oiseaux) de son repas. Tour à tour honni, persécuté, craint, aimé ou vénéré, le renard ne laisse pas indifférent et se révèle un miroir puissant de nos propres contradictions humaines.

Après avoir évoqué la douzaine d’espèces de renards qui existent dans le monde puis présenté les principales caractéristiques du renard roux, Anigaïdo vous propose quelques éléments de réponse sur la question de sa dangerosité et de mieux comprendre pourquoi on aime ou déteste le goupil à ce point en confrontant mythes, symbolique et légendes à son sujet avec la réalité de ses mœurs et comportements.

COMBIEN EXISTE-T-IL D’ESPECES DE RENARDS ?

(Vidéo : 'La prédation audacieuse du renard du Tibet' ; chaîne National Geographic Wild France sur Youtube)

Les animaux du genre Vulpes, les ‘vrais’ renards, sont des mammifères carnivores de la famille des Canidés qui se distinguent des loups et des chiens notamment par leur pupille ovale.

Outre notre ami le renard roux sur lequel se concentre cet article, on recense onze autres espèces du genre Vulpes dans le monde. Dans les zones arides à désertiques du continent africain, on trouve le mignon fennec, le renard pâle, le renard du Cap et le renard famélique/de Rüppell, ce dernier étant également présent au Moyen-Orient avec le renard de Blanford. Outre le Blanford qui vit aussi dans sa partie occidentale, l’Asie compte trois autres espèces : le renard des steppes (ou renard corsac), le renard du Bengale et le renard du Tibet à la grosse tête anguleuse si caractéristique. L’Amérique du Nord enfin héberge le renard nain et le renard véloce.

Dernier membre officiel du club des Vulpes, le renard polaire (ou renard arctique), célèbre pour sa fourrure qui vire au blanc immaculé en hiver, vit dans les territoires du cercle polaire tout au nord de l’Europe, de l’Asie et de l’Amérique

L’Amérique du Sud compte aussi des renards mais appartenant à des genres différents de Vulpes. Citons le petit renard de Darwin Lycalopex fulvipes, un des animaux les plus rares au monde qui ne vit que sur une île du Chili, ou le renard crabier Cerdocyon thous qui vit dans une grande diversité d’habitats allant du bassin amazonien et de la pampa argentine au désert du Canaan au nord-est du Brésil et qu’on désigne sous divers autres noms tels que renard des savanes, chien des bois encore Petit loup.

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LE RENARD ROUX UN CANIDE AUX SENS AFFUTES

(Photo : Renard roux - Pixabay - nathalieburblis - CC0)

Doté d’une ossature très légère (il pèse en moyenne de 7 à 8 kg), le renard roux Vulpes vulpes est un canidé élancé de taille moyenne qui mesure dans les 70 cm de long auxquels il convient d’ajouter une queue touffue d’une quarantaine de cm à l’extrémité claire et dans laquelle il aime s’enrouler quand il se repose.

Doté de 42 dents et de griffes semi-rétractiles, le renard roux possède des sens affûtés. Il a une vue assez bonne de près (de loin il est plus sensible aux mouvements) également efficace en mode vision nocturne, son ouïe très fine couvre un spectre de fréquences basses et hautes bien supérieur à celui de l’homme et il possède un excellent odorat. Il a aussi sur le museau des vibrisses d’une dizaine de cm, des longs poils hyper sensibles bien utiles pour percevoir son environnement immédiat et se déplacer dans la végétation touffue ou un terrier.

Il arbore une magnifique fourrure qui le protège des frimas de l’hiver. Bien qu’on l’appelle renard roux car il est généralement roux orangé avec du blanc au ventre et à la gorge, certains individus et populations ont des pelages dont les couleurs varient du noir (on le désigne alors sous le terme de ‘charbonnier’) au blanc (pour les individus mélaniques) en passant par le gris.

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LA VIE SOCIALE DU RENARD

(Photo : Renard roux - Pixabay - StockSnap - CC0)

Solitaire une partie de l’année, le renard délimite son territoire (de un à plusieurs km2 selon l’environnement où il évolue) avec son urine et ses excréments ainsi qu’avec la sécrétion d’un musc odorant produit par ses glandes anales. On le pense nocturne mais c’est avant tout parce qu’il apprécie le calme et la quiétude car là où il n’est pas perturbé par les activités humaines il est indifféremment actif de jour comme de nuit.

Quand vient la période des amours en hiver, le renard délaisse sa vie de Robinson et socialise avec ses congénères avec lesquels il communique grâce à un large panel de cris et vocalises (dont son célèbre glapissement) pouvant aller jusqu’à former des petites cellules familiales hiérarchisées avec des tantes non fertiles qui aident le couple dominant avec les renardeaux.

Le renard roux habite sporadiquement un terrier dans un talus ou un ravin qu’on repère à sa ‘gueule’ (l’entrée de 30 à 40 cm de diamètre) mais il n’en est que rarement l’auteur principal, préférant soit agrandir le refuge abandonné d’un lapin soit s’installer dans un gîte de blaireaux, parfois encore occupé par ses hôtes avec lesquels il cohabite

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UN CANIDE SAUVAGE TRES ADAPTABLE

(Photo : Pixabay - wal_172619 - CC0)

Alors que certains de ses cousins vivent dans des régions reculées aux conditions extrêmes, pour notre renard roux Vulpes vulpes (aka le renard rouge aka le goupil en vieux françois), c’est simple c’est renard sans frontière ! Se déclinant en plus de quarante sous-espèces, il est en effet un des mammifères les plus répandus sur la planète, présent dans toute l’hémisphère nord (à l’exception de l’Arctique) ainsi qu’en Australie dont il a colonisé une bonne partie du territoire. Des zones arides aux forêts et prairies, des zones humides aux montagnes où il s’aventure parfois au-delà des zones arborées en passant par les villes et les parcs, il n’est nul habitat qui ne lui convienne. Cette formidable capacité d’adaptation, il la doit probablement, outre son intelligence et sa discrétion, à son régime alimentaire très opportuniste de carnivore à tendance omnivore.

Chasseur solitaire, son ouïe très fine lui permet de capter les bruits d’un rongeur à 100 m alentour pour s’en approcher en silence avant de lui sauter dessus d’un bond agile à la verticale, technique de chasse qu’on appelle ‘mulotage’. Si les micromammifères tels que mulots, souris et musaraignes constituent ses proies préférées, il enrichit son menu d’une incroyable diversité d'aliments selon la saison tels que lièvres et lapins, poissons, oiseaux, œufs, charognes, fruits (dont merises, framboises et myrtilles), insectes et coléoptères, vers, grenouilles et amphibiens, végétaux, graines, champignons ou détritus dans les zones urbaines… Malin, il se constitue des réserves en enterrant sa nourriture.

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RENARD RUSE QUI FAIT SA LOI

(Image : Wikimedia Commons - Public Domain ; diverses représentations du renard dans des fables et contes)

Des récits animaliers médiévaux du Roman de Renart aux fables de La Fontaine en passant par son association à Loki le dieu fripon dans la mythologie nordique, le renard est souvent dépeint comme un animal symbole de ruse et de malice, un être chaotique doué pour la dissimulation, tour à tour audacieux, patient ou manipulateur. Mais dans la réalité, est-il vraiment si malin notre habile goupil ?

Le renard est un animal intelligent doué de mémoire dont les comportements ne laissent pas d’étonner. Si sa capacité à cohabiter avec le blaireau, animal plutôt irascible avec lequel il partage parfois son gîte, est déjà un indice, le renard sait aussi feindre la mort, grimper sur des troncs inclinés, pêcher des poissons ou encore plonger sous l’eau pour échapper à des poursuivants. Pour masquer son odeur, il est capable de courir sur les dos d’un troupeau de moutons à leur insu et face à un hérisson roulé en boule qu’il aurait décidé de mettre à son menu, le goupil lui urine dessus pour le faire se découvrir et exposer son ventre plus vulnérable. Quelques stratagèmes parmi d’autres qui démontrent que la réputation du rusé renard n’est pas usurpée !

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LES RACINES DE LA HAINE DU RENARD

(Photo : Wikimedia Commons - Public Domain ; kitsune no gyoretsu, la traditionnelle parade des renards à Tokyo célébrant le renard Kitsuné)

Dans plusieurs cultures le renard est dépeint comme une créature rusée associée au chaos et au mal. Ainsi en Sibérie le renard noir est le messager des enfers qui guide les âmes des défunts vers un sort peu enviable. Au Japon, dans sa perception négative, le renard est Kitsune, un démon qui possède les gens et les rend hystériques. Doté de pouvoirs magiques, il est une créature d’une intelligence supérieure qui se cache dans la société des hommes, un pouvoir de dissimulation qui fait écho à des récits chinois où le renard est le seul animal à saluer le soleil, à se prosterner devant lui au lever de l’astre. Ce faisant, il se transforme et devient un homme-renard qui vit au milieu des hommes sans être repéré. Ces mythes d’Extrême-Orient ont-ils fait leur chemin jusqu’en France pour expliquer cette détestation du renard que certains lui portent encore ici ?

Il existe des origines plus concrètes à la haine du renard qui, même s’il a meilleure presse que le loup (qui figure lui en bonne place dans notre Top 10 des animaux les plus effrayants), n’en demeure pas moins un animal perçu comme nuisible.

Tout d’abord il a cette réputation de voleur de poules connu pour sa capacité à piller sans vergogne tout poulailler dont l’accès n’a pas été sécurisé. Et cela arrive effectivement et est souvent le fait de renardes en quête de nourriture pour leurs petits. De quoi alimenter l’ire des propriétaires de volailles à son égard.

En Europe et en France notamment, le renard a également été le vecteur du virus de la rage pendant de nombreuses années, enracinant durablement une forme de psychose à son égard qui est aujourd’hui remplacée (la rage a finalement disparu grâce à une campagne de vaccination antirabique) par l’échinococcose alvéolaire dite ‘maladie du renard’, une bactérie dont il peut être porteur (comme les chiens) et peut se révéler mortelle pour l’homme. Pour la rage comme pour l’échinococcose, le même conseil : éviter de manger des fruits rouges situés à portée d’urine de canidé et faire attention aux excréments qui pourraient également transmettre la bactérie.

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LE RENARD EST-IL UNE ESPECE NUISIBLE ?

(Photo : Renard roux © Thomas PIERRE)

N’ayant en France que peu de prédateurs naturels (aigle royal, lynx, loup, hibou grand-duc), on reproche enfin au renard de pulluler et menacer par son nombre les autres espèces. Il peut donc classé comme espèce au statut ‘nuisible’ sur un département : sa population doit alors être régulée et peut être chassée ou piégée toute l’année. Dans les faits, il apparaît que le renard s’en prend effectivement à une certaine faune… composée majoritairement d’animaux d’élevage (faisans, lièvres) relâchés dans la nature et qui n’ont pas les codes de la vie sauvage, des proies faciles pour le goupil qui comme dans le cas des poules va au plus simple. Son statut d’espèce nuisible varie d’ailleurs toutefois selon les départements et il n’est par exemple plus considéré comme nuisible dans le Doubs ou la Haute-Savoie où il ne peut plus être chassé toute l’année. Au Luxembourg, sa chasse est même tout simplement interdite depuis 2015 et les chiffres montrent qu’il n’a pas proliféré. Pourquoi ? Parce que le renard s’autorégule et les femelles donneront moins de petits les années où moins de nourriture est disponible.

Il existe toutefois un scénario du pire en Australie où le renard roux avait été introduit pour tenter de réguler les populations de lapins introduites accidentellement qui y prolifèrent de manière exponentielle. Malheureusement le goupil s’y est lui-même multiplié et y est devenu une espèce invasive qui s’en prend de préférence aux espèces indigènes comme le wallaby des rochers qui ne se sont pas adaptées à l’arrivée de ce prédateur étranger.

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LE RENARD AMOUREUX ET SEDUCTEUR

(Photo : Renard roux © Thomas PIERRE)

Au Japon, dans sa perception favorable, le renard est Inari, un symbole de fertilité et un protecteur des affaires, beaucoup de commerçants ayant chez un petit autel consacré au renard pour qu’il protège leur commerce. Célébré pour son appétit un peu partout dans le monde, il se mue aussi en un Don Juan séducteur, une ‘allumeuse’ qui dans les croyances d’Extrême-Orient se transforme en homme ou femme sublime pour tenter et attirer ses victimes. Que nous enseigne la réalité de ses mœurs en matière de reproduction face à cette réputation de succube ?

En hiver, les mâles quittent leur territoire et se mettent en quête d’une femelle, n’hésitant pas à s’affronter pour la conquérir. Après un simulacre de bagarre pour se séduire, mâle et femelle s’accouplent et s’installent dans une cache au sol ou une tanière où la renarde donnera le jour au printemps à 4 à 6 renardeaux après une gestation d’un peu moins de deux mois. Sur un territoire donné, seul le couple dominant se reproduit et d’autres femelles peuvent se joindre au petit groupe où elles occuperont une fonction subalterne d’aide pour les petits. Le nombre de petits par portée est variable et dépend des quantités de nourriture disponible. Ils prennent leur indépendance vers l’âge de 5 mois, les parents demeurant à leurs côtés sur toute cette période, les nourrissant et leur apprenant l’art de la chasse par le jeu.

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LE RENARD CIVILISATEUR, PROTECTEUR DE LA MORALE ET DE L’ENVIRONNEMENT

(Image : Renard roux (renardeau) - Pixabay - Jaworski - CC0)

Du personnage de Zorro (traduction de renard en espagnol) au renard argenté héros créateur chez les Indiens de Californie, on prête aussi au renard une dimension morale et civilisatrice positive. Dans Le Petit Prince d'Antoine de Saint-Exupéry, c’est un renard qui apprend au héros principal la valeur de l'amitié et c’est encore un renard qu’on retrouve dans plusieurs contes et légendes de Bretagne où un jeune prince va croiser à la fin de sa quête un renard blanc incarnant l’âme d’un défunt inconnu auquel le héros a offert une sépulture. Trouve-t-on dans le réel des correspondances avec cette image positive du renard ?

Par son régime alimentaire opportuniste, le renard roux a une fonction de nettoyeur de la nature car même s’il n’est pas nécrophage, il ne refusera pas de consommer des animaux morts si l’occasion se présente.

Surtout c’est par sa prédation des rongeurs et des micromammifères qu’il a un rôle écologique positif. Principal prédateur du campagnol, il est de fait un protecteur des cultures qui sont visées par le petit rongeur. En limitant leurs populations, le renard se mue aussi en rempart contre les tiques et la maladie de Lyme. Les larves des tiques se posent sur les rongeurs dont certains portent la maladie et elles la transmettent une fois adulte à leurs hôtes. En consommant les rongeurs porteurs, le renard brise le cercle de la propagation.

LE RENARD, MIROIR DE LA CONSCIENCE HUMAINE

(Vidéo : '5 IDÉES REÇUES SUR LE RENARD (No 159)' ; chaîne : La Minute Nature sur Youtube)

Elevé pour sa fourrure dans certains pays (Finlande, Chine, Russie, Canada, Pologne), chassé sans pitié quand il a le malheur de figurer sur la liste des nuisibles, piégé comme son ami le blaireau avec des techniques comme le déterrage, le renard paie le prix fort à son exploitation pour l’industrie du luxe et pour la haine quasi viscérale que certains lui portent.

S’il n’est pas exempt de tout reproche ni dégâts, n’oublions pas les services rendus par ce malin canidé qui on l’a vu force aussi l’admiration des hommes par son intelligence et sa beauté. Il fait partie de ces animaux symboles chargés d’ambivalence et de complexité, comme un miroir de nos propres contradictions humaines que vient encore rappeler la figure du renard céleste à neuf queues des croyances asiatiques, ce monstre fabuleux et ambigu à la fois protecteur des maléfices et... mangeur de chair humaine.

 

NB : Une fois n'est pas coutume, beaucoup des références symboliques évoquées dans cet article en réfèrent à l'excellent livre Dictionnaire des symboles : Mythes, rêves, coutumes, gestes, formes, figures, couleurs, nombres de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant.

Crédit article : © Julien PIERRE

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