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Aigle royal, gypaete barbu, vautour fauve : a la rencontre des grands rapaces de france

27 Mars 2019

(photo : Aigle royal - Thomas PIERRE)

TEMPS DE LECTURE : 12 à 15 minutes env.

A la rencontre des grands rapaces de France, oiseaux fascinants et menacés.

En complément à cet article, vous pouvez aussi :

> consulter notre liste des lieux et parcs animaliers qui proposent des spectacles de fauconnerie et/ou d'oiseaux en vol ;

> tester vos connaissances en jouant à notre Quiz 100 % Rapaces.

Après avoir évoqué la complexité des relations que l’homme entretient avec les rapaces, tour à tour sources de nombreux mythes et légendes, compagnons de chasse du fauconnier ou prédateurs nuisibles, cet article vous proposera ensuite un focus sur trois grands oiseaux mythiques de la faune française à savoir l’aigle royal, le gypaète barbu et le vautour fauve, avant de se clore par une interview passionnante d’Amandine DIOT, spécialiste référencée en matière de comportement des oiseaux.

HEIDI DANS LA MONTAGNE

Il est encore tôt en ce milieu de matinée mais le soleil de cette chaude journée qui s’avance commence déjà à darder de ses rayons la rocaille abrupte des pentes environnantes. Profitant des thermiques ascendants, ces puissants courants d’air chaud qui remontent en colonnes de la vallée, un géant des airs déploie ses ailes immenses légèrement coudées en forme de ‘V’ et se hisse progressivement en tournoyant par delà la cime des sommets, dominant l’étendue soumise à sa vue perçante. Il lance son cri strident qui rebondit sur les parois de roc, jetant l’effroi dans le cœur de la marmotte qui soudain cesse toute activité et provoquant la crainte du berger qui mène son troupeau vers les gras pâturages d’altitude. Sa majesté l’aigle royal vient d’entrer en scène dans le théâtre de la vie des alpages et rappelle que la mort viendra peut-être du ciel aujourd’hui.

Cette scène quotidienne de la vie dans les chaînes montagneuses de l’hémisphère Nord digne de ‘Heidi dans la montagne’, est en réalité devenue rare et a même totalement disparu dans certaines régions. Chassés, persécutés, empoisonnés ou victimes de la dégradation de leur environnement, les grands rapaces cristallisent  les rapports ambigus que l’homme entretient avec les autres grands prédateurs du règne animal qu’il perçoit avant tout comme des concurrents ou des menaces à éliminer : entre haine et fascination, mythes et réalité, on les vénère ou les accable et l’Homme moderne les aurait probablement tous éradiqués sans la connaissance croissante de leur utilité dans l’équilibre des écosystèmes et les efforts de conservation et de réintroduction de certains passionnés.

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MYTHOLOGIES ET FASCINATION POUR LES RAPACES A TRAVERS LES AGES

(photo : Plafond avec une représentation de Nekhbet, nécropole de Ramses III, Medinet Habu, Theban Necropolis, Egypt - I, Rémih - Wikimédia Commons - CC BY-SA 3.0)

Quand on s’intéresse aux nombreuses légendes et représentations de l’aigle, du vautour et du gypaète dans les différentes cultures humaines, on découvre que ces animaux ont de tout temps fasciné l’être humain, avec un côté pile synonyme de vie pour l’aigle, animal solaire incarnant la puissance, et un côté face renvoyant à la mort pour le vautour et le gypaète, oiseaux damnés car se nourrissant de chair en décomposition et d’os - même si en réalité l’aigle royal consomme lui aussi des carcasses.

Ainsi l’aigle a toujours accompagné ou représenté les Dieux et les Héros : attribut de Zeus/Jupiter, du Christ, ou encore emblème impérial de César et Napoléon, il est un symbole solaire, le roi des oiseaux, le messager de la plus haute divinité car il est le seul à oser fixer le soleil sans se brûler les yeux. Dans la chrétienté médiévale il emportait l’âme du mort sur ses ailes afin de la faire retourner vers Dieu et on assimilait son vol en descente à la lumière venue des cieux.

Le vautour était lui à la fois symbole de mort (car il mange les entrailles), de vie et de renaissance de par son rôle de purificateur et de charognard qui assure la continuité du cycle du renouveau,  absorbant la mort pour redonner la vie. En Egypte, la déesse vautour Nekhbet était la protectrice des naissances et dans les traditions gréco-romaines, le vautour était considéré comme un oiseau divinatoire.

Quant au gypaète barbu, c’est sans doute lui qui a souffert de la plus mauvaise réputation, celle d’un oiseau 100 % maléfique qu’on l’accusait carrément d’enlever des enfants ou de manger des vaches (!) et qui fût complètement éradiqué de France continentale au début du 20ème siècle sur la base de ces croyances.  

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DU MOYEN-AGE A L’ARABIE SAOUDITE, LA PASSION DE LA FAUCONNERIE

(Photo : neildodhia - Pixabay - CC0)

Hors leur dimension symbolique, ce sont également les talents de chasseur des rapaces qui ont séduit les hommes qui ont voulu s’en faire des alliés en les domestiquant via l’art de la fauconnerie, pratique très ancienne qui trouve son origine dans les plaines d’Asie Centrale où les Kirghizes, peuple de chasseurs nomades, apprirent à dresser des rapaces pour la chasse. Au fil de l’Histoire et au gré des invasions et des échanges culturels et commerciaux entre les peuples, la fauconnerie s’est répandue dans une multitude de pays.

Dans l’Europe médiévale, elle faisait partie des arts pratiqués par les jeunes nobles au même titre que le chant poétique, la cavalerie ou le maniement des armes. Elle connut un âge d’or sous Louis XIII qui régna de 1610 à 1643 : la fauconnerie du roi comportait alors 300 oiseaux, hissant la fauconnerie française au sommet de l’Europe de par sa technique et son prestige. Cette pratique fut progressivement délaissée avant d’être reconnue en France comme mode de chasse en 1954. Encore pratiquée pour la chasse ou les spectacles, elle est aujourd’hui également utilisée à proximité d’aéroports pour effaroucher la faune sauvage et chasser les oiseaux qui peuvent représenter un danger pour les avions. En Arabie Saoudite, la fauconnerie demeure un sport/art/loisir très prisé des jeunes princes héritiers des traditions des tribus du désert avec des prix qui peuvent monter jusqu’à 200.000 € pour acquérir un champion ailé !

En matière de fauconnerie ce sont l’autour des palombes (capable de chasser aussi bien ‘la plume et le poil’), les faucons et les buses qui ont la préférence des dresseurs-chasseurs, même si le puissant aigle royal peut aussi être utilisé pour chasser des gibiers de la taille d’un renard ou d’un chevreuil.

ANIMAUX NUISIBLES, PROTECTION ET REINTRODUCTION DANS LA NATURE

(Vidéo : le Zapping Sauvage)

Après avoir été un animal légendaire qui forçait l’admiration et entretenait mythes et légendes puis un compagnon respecté et domestiqué via la fauconnerie, le rapace est devenu un paria, un animal nuisible qu’il fallait éradiquer par tous les moyens ! Le développement du pastoralisme a il est vrai offert à l’aigle des proies faciles et tentantes, agneaux et chevreaux constituant pour lui des mets de choix. En concurrence avec les chasseurs pour la prédation de certaines espèces, ravageurs d’élevages et de troupeaux, il n’y avait donc tout simplement plus de place pour les seigneurs des airs et dès lors, tout fût permis : empoisonnement de carcasses et d’appâts, tir libre au fusil, piégeage, destruction des nids, vol des œufs, etc… entraînant une inexorable chute des effectifs, d’autant que les populations de rapaces sont aussi exposées au saturnisme (via le plomb ingéré sur les dépouilles des animaux chassés et laissés dans la nature) et à la contamination aux pesticides, produits phytosanitaires et agents toxiques chimiques comme le DDT (utilisé pour lutter contre les parasites des moutons), tout en voyant dans le même temps leur habitat se restreindre et leur tranquillité perturbée.

Constatant ce déclin alarmant, l’Etat français a légiféré en 1972 pour la protection des rapaces, renforcé par la loi de protection de la nature en Juillet 1976. Toujours victimes des périls contemporains liés aux pesticides et la dégradation de leur environnement, il est en revanche aujourd’hui théoriquement interdit de s’en prendre à un rapace.     

Véritables nettoyeurs de la nature pour les charognards, empêchant la prolifération de rongeurs pour d’autres, les rapaces ont une fonction clé dans les écosystèmes, agissant comme des régulateurs de certaines espèces ou des éboueurs évitant la propagation de certaines maladies. Des efforts importants sont maintenant réalisés soit pour la conservation des rapaces, soit pour carrément réintroduire certaines espèces qui avaient carrément disparu de France comme le vautour fauve ou le gypaète barbu.

Plusieurs associations, organisations ou passionnés oeuvrent à la conservation des rapaces. Il y a notamment les 32 centres français de l’UFCS (Union Française des Centres de Sauvegarde de la faune française) qui recueillent notamment les rapaces blessés et participent aux programmes de restauration d’espèces menacées dans leurs milieux. On peut citer également les Missions Rapaces de la Ligue de Protection des Oiseaux, qui gère par exemple la réintroduction du vautour fauve et du vautour moine dans les Grands Causses dans l’Aveyron (12), ou encore la formidable réussite des passionnés du programme Life Gyhelp qui ont réussi à faire revenir le gypaète dans les Alpes d’où il avait complètement disparu.

AIGLE ROYAL, LE CHASSEUR

(Vidéo : L'aigle royal, National Geographic Wild France)

L’aigle royal (Aquila chrysaetos) est un géant au plumage brun avec des plumes jaunâtres sur la nuque et la tête (on l’appelle également 'aigle doré') qui peut atteindre 2,30 m d’envergure et est capable de voir une proie à 3 km ! Avec ses pattes aux serres puissantes et son gros bec gris-noir à base jaune (la ‘cire’, présente chez tous les rapaces) et courbé à l’extrémité sombre, il fond comme la foudre  sur ses proies (avec des pointes à 320 km/h !) en essayant de les attaquer par surprise par l’arrière. Espèce protégée autrefois persécutée pour les dégâts qu’il causait au bétail,  il a fui les zones densément peuplées et est devenu montagnard un peu par défaut, même si on peut encore croiser de jeunes individus en plaine car il affectionne également les landes fertiles.

Carnivore qui chasse le lièvre variable et la marmotte mais aussi d’autres petits rapaces, jeunes chamois, agneaux, chevreaux, ou reptiles, il est également charognard si l’occasion se présente. Sédentaire sur un territoire, il y construit plusieurs aires sur des parois rocheuses inaccessibles, aires qu’il va parfois habiter alternativement.

Mâle et femelle forment un couple uni et monogame pour la vie. Après une période nuptiale ponctuée de folles acrobaties aériennes faites de montées en spirale et piqués vertigineux, ils s’accouplent et la femelle pond généralement deux œufs dans un nid en plate-forme qui peut atteindre 2 m de large et 4 m de profondeur. Il n’est pas rare que le premier né attaque le cadet de la portée et que seul le plus fort survive.

Les parents se relaient pour nourrir leur progéniture pendant 71 à 80 jours avant que l'/les aiglon(s) ne prennent leur envol. Les parents vont encore accompagner les jeunes pendant plusieurs mois et leur dépecer la nourriture, l’aigle royal n’étant adulte qu’à 4 ou 5 ans.

 
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GYPAETE BARBU, LE CASSEUR

(Photo : Gypaète barbu - Thomas PIERRE)

Le gypaète barbu (Gypaetus barbatus) est surnommé le ‘casseur d’os’ car il se nourrit d’os entiers et a pour habitude de laisser tomber en vol les trop gros morceaux pour qu’ils se pulvérisent sur la roche et se fragmentent grâce à la gravité. Faute de carcasse, le gypaète, qui n’est en réalité pas exclusivement charognard, peut également chasser des proies vivantes : nouveaux nés de cervidés et d’isards (chamois des Pyrénées), petits rongeurs ou tortues (dont il fracasse la carapace comme il le fait pour les os). C’est d’ailleurs de ce régime alimentaire unique et particulièrement varié qu’il tire son nom latin Gypaetus lui-même issu du grec  "gyps" (vautour) et "aëtos" (aigle).

Avec une envergure de 2,80 à 3 m (!), il est le plus grand rapace d’Europe et aussi un des plus rares. Il avait complètement disparu de France continentale, victime d’une terrible réputation d’oiseau maléfique, peu aidé il est vrai par son apparence pour le moins particulière : outre son imposante stature (jusqu’à 1,20 m de long pour un poids pouvant atteindre 7 kg), il a des yeux rouges reliés par une large bande noire à son bec et arbore une espèce de barbe. Il a un plumage blanc sur la tête, le poitrail et les pattes, et ses ailes immenses, son dos et sa queue épaisse arborent des plumes tirant sur le gris-métal. Son plumage revêt parfois une couleur orangée au niveau du ventre, du cou et de la tête : c’est que le gypaète apprécie de prendre des bains de boues ou d’eaux riches en fer qui imprègnent son plumage de rouille et lui donne cette teinte particulière. Le mystère quant à cette appétence pour les bains de fer, qui fait partie des rituels à respecter par les soigneurs pour les individus en captivité, demeure. A ce jour on ne sait dire si il s’agit d’un signe distinctif arboré par les meilleurs reproducteurs affichant ainsi leur vitalité ou si l’oxyde de fer aurait pour le gypaète des vertus bénéfiques pour sa santé, entre autres hypothèses.  

Oiseau montagnard et sédentaire aujourd’hui présent dans les massifs des Alpes, des Pyrénées et de la Corse, il est en cours de réintroduction dans le Massif Central.

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VAUTOUR FAUVE, LE NETTOYEUR

(Photo : Vautour fauve - Thomas PIERRE)

Le vautour fauve (Gyps fulvus), aussi appelé griffon, a lui aussi souffert de sa mauvaise réputation et il avait quasiment disparu d’une grande partie de sa vaste aire de répartition (Europe du Sud, Afrique du Nord et Asie) avant de bénéficier d’une protection totale sur le territoire national et d’un programme de réintroduction en 1976. On peut aujourd’hui à nouveau l’observer dans les Causses (Sud du Massif Central), les Pyrénées et le Sud des Alpes où il recherche les endroits secs découverts et rocailleux, les versants de montagnes et les pentes abruptes. Il y croise parfois son grand cousin le vautour moine (Aegypius monachus), plus rare et qui comme lui fait l'objet de réintroductions en France. 

Notre ami le vautour fauve est un oiseau planeur lourd et massif au régime alimentaire charognard, son cou et sa tête sont dégarnis et couverts d’un duvet blanc clair. Il un bec puissant en crochet et un collier épais de duvet et de plumes autour du cou et peut atteindre 2,70 m d’envergure.

Les vautours fauves s’organisent en colonies et cette vie en communauté améliore leurs chances de survie. Par exemple lorsqu’une carcasse est repérée ils n'atterrissent pas directement mais font des cercles au-dessus pour vérifier qu'il n'y a pas de danger et aussi signaler aux autres qu'il y a un festin qui s’annonce. Une fois au sol, il n’y a par contre plus de solidarité qui vaille et c’est la curée,  les plus faibles devant patienter pour manger les restes. Lorsqu’il se nourrit, il arrive que le vautour se gave tellement qu’il devienne trop lourd pour s’envoler et doive rester cloué au sol pendant plusieurs heures pour digérer. Si un danger survient durant cette période de vulnérabilité, il est alors capable de vomir instantanément toute la nourriture ingérée pour prendre son envol.

Le vautour fauve est un oiseau qui a une longévité exceptionnelle, parfois supérieure à 50 ans avec même un record à 118 ans (!?) évoqué pour un vautour fauve du jardin zoologique de Halle en Allemagne.

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LA PAROLE A AMANDINE DIOT, COMPORTEMENTALISTE ET EDUCATRICE D’OISEAUX

Pour nous parler de ces rapaces emblématiques que nous venons d’évoquer, terminons cet article avec quelques questions posées à Amandine DIOT, comportementaliste spécialisée et éducatrice d’oiseaux expérimentée qui a travaillé avec plus de 125 espèces et est notamment responsable du spectacle ‘Les Maîtres des Airs’ au Zooparc de Beauval. Créatrice de l’entreprise ‘Mon Perroquet et Cie’ (www.mon-perroquet.fr) elle intervient également au chevet des propriétaires de perroquets pour les aider à mieux comprendre leurs compagnons ailés et vient de publier ‘Des jouets pour mon perroquet’, un ouvrage de référence qui propose des méthodes d’enrichissement pour ces oiseaux particulièrement intelligents – auxquels nous dédierons d’ailleurs prochainement un dossier sur anigaido.com.

Interview :

Parmi les nombreuses espèces d’animaux avec lesquelles tu as travaillé, tu as eu l’occasion de côtoyer de très près l’aigle royal, le vautour fauve et le gypaète barbu. Quelles sont pour toi les principales caractéristiques de ces rapaces géants ?

Amandine DIOT : J’ai eu la chance de croiser ces 3 espèces au cours de ma carrière. L’aigle royal est une espèce peu détenue en captivité (car trop puissant et présentant donc plus de risques en vol libre) mais très prisée par les fauconniers pratiquant encore la chasse au vol. Cet oiseau majestueux m’a toujours émerveillé. D’un seul regard il vous inspire le respect. Les vautours fauves sont des oiseaux très grégaires, et très communs en captivité. Leur anatomie et leur comportement particulier sont de vrais atouts pédagogiques. Ce sont des oiseaux curieux et toujours prêts à se chamailler ! Le gypaète est quant à lui beaucoup plus sur la réserve… Il observe beaucoup et agit ensuite. Son regard est splendide avec son œil clair cerclé de rouge. Cet oiseau a besoin de beaucoup de soins particuliers (apport de bain de fer, apport d’os…).

Lorsque l’on est au contact de ces géants ailés, je suppose qu’il y a des règles de sécurité spécifiques. Quels sont les points de vigilance qu’il convient de respecter avec eux ?

AD : Le respect est une règle fondamentale à mon sens.  Si vous observez votre oiseau vous saurez à quoi vous en tenir : être serein, être sur vos gardes, revenir un peu plus tard, établir le contact… Nous avons pour seul matériel de sécurité un gant de cuir qui nous protège des serres très affinées des rapaces. Et par sécurité nous tenons le cou des grands vautours quand ils mangent dans notre gant pour limiter les coups de becs au visage. D’où l’importance du respect et de la confiance dans notre métier !

Entre l’aigle, le vautour et le gypaète, comment définirais-tu le caractère de chacun ?

AD : Je définirais l’aigle comme un vrai seigneur, fier et droit dans son comportement. Pour le vautour, je dirais opportuniste et chamailleur. Et pour le gypaète, timide et très observateur. 

As-tu été témoin de comportements qui t’ont marqués chez l’un ou l’autre de ces oiseaux ?

AD : Le comportement qui m’a le plus marqué est toute l’attention que les parents gypaètes mettent à la conception du nid et au soin de leur progéniture. Pour le vautour la plus belle image que j’ai est ce comportement d’intimidation au sol, lorsqu’il arrive les ailes ouvertes en « roulant des mécaniques » pour impressionner les autres ! Et pour l’aigle, je revois si bien les images de vol plané parfaitement calme, puis au signal, l’oiseau qui décroche, et pique à une allure folle sur le gant.

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DES RAPACES ET DES HOMMES

(Photo : Vautour fauve en vol - Thomas PIERRE)

Quand on assiste à un spectacle comme celui des ‘Maîtres des Airs’ au Zooparc de Beauval, on est frappé par le fait qu’un grand nombre d’espèces très différentes volent ensemble, et notamment des rapaces et leurs ‘proies potentielles’. Comment on arrive à cette apparente cohabitation sans heurts ?

AD : C’est le fruit de longues heures de travail. Le plus long est mettre en confiance les espèces proie pour qu’elles acceptent de travailler avec des rapaces, qui ne sont naturellement pas des amis !

Comment définirais-tu leur relation à l’Homme ? Y a-t-il chez eux une forme d’attachement, de reconnaissance ?

AD : Je dirais que pour la plupart des rapaces leur relation est principalement alimentaire, mais il est possible de lier une véritable relation affective avec des rapaces. Les meilleures espèces pour cela sont les  rapaces nocturnes, les caracaras, les buses de Harris.  Ces oiseaux sont de merveilleux ambassadeurs affectifs, et nous obtenons  d’excellents résultats lors de nos séances de médiation animale.

L’enrichissement, consistant à stimuler l’activité des animaux de différentes manières, est un point important pour les animaux en captivité. En quoi va-t-il consister pour nos amis les rapaces ?

AD : L’enrichissement, il est vrai, est une part essentielle de notre quotidien en captivité. Il est encore peu pratiqué en France ; pourtant, les rapaces réagissent très bien à cela. Le ‘foraging’ (enrichissement qui consiste à dissimuler une partie ou toute la ration alimentaire) est ce qui fonctionne le mieux. Certaines espèces comme le caracara ou le vautour aura (ou urubu à tête rouge) possèdent un sens olfactif bien plus développé que chez les autres rapaces, et il est intéressant de travailler cette particularité via les enrichissements du milieu. Les enrichissements de destruction (papier, cartons…) sont une autre famille d’enrichissement que les rapaces apprécient. Mes rapaces nocturnes aiment jouer avec leurs peluches, ils les promènent partout. Lorsque nous partons en prestations, ils ne partent jamais sans leur doudou !

As-tu eu l’occasion de suivre ou accompagner des pontes, naissances ou éducation de juvéniles pour ces espèces ? Comment un parc gère-t-il concrètement ces étapes sensibles quand on sait que chez l’aigle royal par exemple il y a naturellement une forte concurrence entre les petits pouvant aller jusqu’à la survie du plus fort uniquement ?

AD : J’ai eu la chance de suivre ces 3 étapes. Pour chaque espèce l’élevage et l’éducation possèdent la même trame, mais certaines différences existent toutefois. Par exemple pour le gypaète et le vautour nous devons mettre des enzymes digestives sur leur nourriture pour les aider dans la digestion (les parents leur régurgitent de la viande qui a déjà été « attaquée » par des enzymes). En termes d’éducation, l’aigle demande une plus grande attention de par sa puissance. Etant plus agile en vol, il est aussi facile de varier ses séances de vol (rappels de fauconnier à fauconnier, chasse sur une fausse proie que l’on traîne au sol (que l’on nomme traineau), vol ascensionnel…). La captivité présente certains avantages notamment en termes de quantités de ressources alimentaires et d’un point de vue sanitaire. Le taux de réussite en élevage est donc bien plus élevé que dans la nature. Certains couples d’aigle royaux réussissent à mener à terme 2 oisillons. Si ce n’est pas le cas, un des poussins est laissé aux parents et l’autre est élevé par l’homme, c’est ce que l’on appelle l’élevage à la main. Les fauconniers préfèrent que les grands aigles, comme les grands vautours, soient élevés par leurs parents. Car ayant acquis les codes sociaux de leur espèces (et non ceux des humains transmis par l’imprégnation pendant la période d’élevage à la main), ils sont moins bagarreurs et perdent rapidement les comportements quémandant du jeune oiseau. Pour cela, nous échangeons les oisillons tous les jours : le poussin A est avec les parents le jour 1 et le poussin B à la nurserie, le jour 2 le poussin A est à la nurserie et le poussin B chez les parents. Cette méthode permet d’avoir un jeune au comportement équilibré.

Cet article a été préparé avec le concours précieux de Flavien RICOUL, Soigneur animalier à Legendia Parc, et Amandine DIOT, Comportementaliste spécialiste des oiseaux.

Pour aller plus loin :

la fiche Anigaïdo de l'aigle royal

la fiche Anigaïdo du gypaète barbu

la fiche Anigaïdo du vautour fauve

Anfa, Association Nationale des Fauconniers et Autoursiers Français - la fauconnerie dans le temps

Le Projet Life Gyhelp

mon-perroquet.fr, le site d'Amandine DIOT

Crédit article : Julien PIERRE, Flavien RICOUL (Soigneur Animalier) & Amandine DIOT (Comportementalliste et Educatrice spécialiste des Oiseaux)

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