DES RAPACES ET DES HOMMES
(Photo : Vautour fauve en vol - Thomas PIERRE)
Quand on assiste à un spectacle comme celui des ‘Maîtres des Airs’ au Zooparc de Beauval, on est frappé par le fait qu’un grand nombre d’espèces très différentes volent ensemble, et notamment des rapaces et leurs ‘proies potentielles’. Comment on arrive à cette apparente cohabitation sans heurts ?
AD : C’est le fruit de longues heures de travail. Le plus long est mettre en confiance les espèces proie pour qu’elles acceptent de travailler avec des rapaces, qui ne sont naturellement pas des amis !
Comment définirais-tu leur relation à l’Homme ? Y a-t-il chez eux une forme d’attachement, de reconnaissance ?
AD : Je dirais que pour la plupart des rapaces leur relation est principalement alimentaire, mais il est possible de lier une véritable relation affective avec des rapaces. Les meilleures espèces pour cela sont les rapaces nocturnes, les caracaras, les buses de Harris. Ces oiseaux sont de merveilleux ambassadeurs affectifs, et nous obtenons d’excellents résultats lors de nos séances de médiation animale.
L’enrichissement, consistant à stimuler l’activité des animaux de différentes manières, est un point important pour les animaux en captivité. En quoi va-t-il consister pour nos amis les rapaces ?
AD : L’enrichissement, il est vrai, est une part essentielle de notre quotidien en captivité. Il est encore peu pratiqué en France ; pourtant, les rapaces réagissent très bien à cela. Le ‘foraging’ (enrichissement qui consiste à dissimuler une partie ou toute la ration alimentaire) est ce qui fonctionne le mieux. Certaines espèces comme le caracara ou le vautour aura (ou urubu à tête rouge) possèdent un sens olfactif bien plus développé que chez les autres rapaces, et il est intéressant de travailler cette particularité via les enrichissements du milieu. Les enrichissements de destruction (papier, cartons…) sont une autre famille d’enrichissement que les rapaces apprécient. Mes rapaces nocturnes aiment jouer avec leurs peluches, ils les promènent partout. Lorsque nous partons en prestations, ils ne partent jamais sans leur doudou !
As-tu eu l’occasion de suivre ou accompagner des pontes, naissances ou éducation de juvéniles pour ces espèces ? Comment un parc gère-t-il concrètement ces étapes sensibles quand on sait que chez l’aigle royal par exemple il y a naturellement une forte concurrence entre les petits pouvant aller jusqu’à la survie du plus fort uniquement ?
AD : J’ai eu la chance de suivre ces 3 étapes. Pour chaque espèce l’élevage et l’éducation possèdent la même trame, mais certaines différences existent toutefois. Par exemple pour le gypaète et le vautour nous devons mettre des enzymes digestives sur leur nourriture pour les aider dans la digestion (les parents leur régurgitent de la viande qui a déjà été « attaquée » par des enzymes). En termes d’éducation, l’aigle demande une plus grande attention de par sa puissance. Etant plus agile en vol, il est aussi facile de varier ses séances de vol (rappels de fauconnier à fauconnier, chasse sur une fausse proie que l’on traîne au sol (que l’on nomme traineau), vol ascensionnel…). La captivité présente certains avantages notamment en termes de quantités de ressources alimentaires et d’un point de vue sanitaire. Le taux de réussite en élevage est donc bien plus élevé que dans la nature. Certains couples d’aigle royaux réussissent à mener à terme 2 oisillons. Si ce n’est pas le cas, un des poussins est laissé aux parents et l’autre est élevé par l’homme, c’est ce que l’on appelle l’élevage à la main. Les fauconniers préfèrent que les grands aigles, comme les grands vautours, soient élevés par leurs parents. Car ayant acquis les codes sociaux de leur espèces (et non ceux des humains transmis par l’imprégnation pendant la période d’élevage à la main), ils sont moins bagarreurs et perdent rapidement les comportements quémandant du jeune oiseau. Pour cela, nous échangeons les oisillons tous les jours : le poussin A est avec les parents le jour 1 et le poussin B à la nurserie, le jour 2 le poussin A est à la nurserie et le poussin B chez les parents. Cette méthode permet d’avoir un jeune au comportement équilibré.
Cet article a été préparé avec le concours précieux de Flavien RICOUL, Soigneur animalier à Legendia Parc, et Amandine DIOT, Comportementaliste spécialiste des oiseaux.
Pour aller plus loin :
la fiche Anigaïdo de l'aigle royal
la fiche Anigaïdo du gypaète barbu
la fiche Anigaïdo du vautour fauve
Anfa, Association Nationale des Fauconniers et Autoursiers Français - la fauconnerie dans le temps
Le Projet Life Gyhelp
mon-perroquet.fr, le site d'Amandine DIOT
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